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Comment la perception d’un pays peut-elle changer après y avoir vécu ?
L’épisode aborde plusieurs sujets clés, notamment les récentes élections en Roumanie et l’influence de la politique internationale sur le pays. Christine décrit la Roumanie comme un lieu où elle se sent chez elle, en partie grâce à l’hospitalité et à la chaleur des Roumains. Elle évoque également le retour de nombreux Roumains expatriés, attirés par un renouveau d’espoir et de fierté nationale. En contraste, elle souligne le désenchantement croissant face à l’Occident, en particulier à la France. Cet épisode offre une réflexion sur les relations historiques et culturelles entre la Roumanie et la France, tout en mettant en lumière les défis et les opportunités actuels de la vie en Roumanie.
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Chapitrage de l’épisode :
0:00:01 – Introduction du podcast et de l’invitée Christine Colonna Cesari
0:00:36 – Présentation du livre sur la Roumanie
0:00:57 – Contenu et objectifs du livre
0:01:31 – La fascination pour la culture roumaine
0:02:13 – Choix d’installation en Roumanie en 2018
0:03:12 – Les avantages de la vie en Roumanie
0:04:23 – Annulations et élections présidentielles
0:05:19 – Réactions des Roumains aux élections
0:06:22 – Vie quotidienne et intégration en Roumanie
0:07:29 – Retour des Roumains expatriés
0:08:29 – Méconnaissance des Balkans en France
0:08:57 – Influence historique française en Roumanie
0:09:34 – Relations conflictuelles historiques avec la Russie et la Turquie
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Bienvenue dans 10 minutes, le podcast des français dans le monde, pour aider tous ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Je suis Gautier Saïs et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Christine Colonna-Césari. Elle est écrivain et éditrice à Bucharest. 10 minutes, le podcast des français dans le monde. francaisdanslemonde.fr Et comme à chaque fois, lorsqu’on parle d’une actualité dans un pays, j’aime aller me rendre à la rencontre d’un français qui vit, car souvent, ce qu’on me raconte, c’est pas tout à fait ce qu’on entend sur BFM.
Bonjour et bienvenue, Christine. Bonjour, Gauthier. Ça fait plaisir de se retrouver. Eh bien oui, on se retrouve parce que tu étais venue sur l’antenne de la radio des Français dans le Monde pour présenter ton livre « Ils sont fous ces Roumains », « L’Eldorado Roumain », c’était il y a quelques années maintenant. Le livre est toujours disponible depuis le lien disponible dans ce podcast.
Le livre est toujours disponible et puis j’ai réussi à le sortir enfin en langue roumaine aussi. Donc il est disponible dans les deux langues, en France, Suisse, Belgique et Roumanie. Et qu’est-ce que ça raconte ? C’est un bel album déjà, avec une trentaine de reportages et beaucoup de belles photos. J’ai voulu faire comprendre et connaître la Roumanie sous un jour complètement différent, qui n’avait rien à voir ou presque avec les guides touristiques, qui n’est pas non plus un livre politique, ni purement historique.
Le fil conducteur, c’était de vouloir faire comprendre et connaître cette civilisation, ce peuple, sa mentalité, sa culture, et puis faire découvrir des endroits ou des créateurs ou des spécialités extraordinaires qui sont typiques ou bien qui représentent des choses qui n’existent pas chez nous en France. J’avais envie de montrer une bonne image très bien documentée de la Roumanie à travers énormément de rencontres. Alors avant d’arriver à Bucarest, la capitale, on revient sur la Côte d’Azur et la Corse d’où tu es originaire. Ensuite, tu vas beaucoup vivre à Paris. D’ailleurs, ce n’est pas un très, très bon souvenir.
Quand tu dois y retourner, ça t’angoisse d’avance. Le métro-boulot-dodo parisien, non. Il y a un tel décalage, une telle différence d’ambiance, de vibrations, d’énergie, que tu pars de l’aéroport de Bucarest, c’est cool, tu arrives à Charles de Gaulle, ça y est, tout de suite, tu as environ tous ces gens qui courent, qui te bousculent, tu sais, tu as une montée de stress comme ça, d’insécurité, et je ne suis pas la seule à le dire, on le ressent tous très très fort, et je pense qu’avec les années dernières, ça n’a pas dû faire enjeu. Alors avec ce ras-le-bol, tu vas décider de t’installer en 2018, donc en Roumanie. C’est un pays où tu te sens à ta place, mais t’as pas vraiment d’explication logique.
Logique. Je pense que beaucoup de gens ont des affinités particulières avec des pays ou des cultures étrangères. Moi c’est la Roumanie, d’autres ça va être le Japon, d’autres le Mexique, d’autres le Canada, d’autres les indiens europois et Dieu sait quoi. C’est Si tu veux, c’est très latin ici, c’est très proche aussi un petit peu de l’ambiance et du relationnel provençal dont je suis issue. Donc je me sens plus dans mon élément ici, dans la communication avec les gens, qu’à Paris je pouvais l’être.
Alors tu me dis que les infrastructures sont de qualité, c’est calme, il y a de la sécurité. La pandémie s’est plutôt bien passée par rapport à nos drôles de règles françaises. Pas de regrets aujourd’hui d’avoir posé tes valises à Bucarest ? Absolument pas. J’ai tout traversé, je continue.
Alors, revenons sur ces élections. En décembre dernier, les élections présidentielles ont été annulées par les institutions. Le président Johannis, qui était donc en poste à ce moment-là, on a dit ici, depuis l’Europe, la vieille Europe, qu’il y avait des intrusions russes. Rien n’a été véritablement aujourd’hui confirmé. Non, rien n’a été confirmé.
C’est même écrit officiellement sur les sites officiels qu’ils n’avaient aucune preuve. Il y a eu en tout cas de nouvelles élections qui se sont tenues le premier tour le 4 mai, deuxième tour ce dimanche 18 mai, avec l’élection d’un nouveau président. Il est annoncé comme étant candidat pro-européen, mais tu me disais l’autre aussi. Donc voilà, la France, comme toujours, range dans des petites cases et tu trouves que ce n’est pas très bien rangé ? Oui, c’est vrai que c’est assez pénible, que ce soit du côté des mainstreams ou même des alternatifs.
On voit très bien qu’ils ont besoin de créer des petites cases, ils créent un narratif à l’avance et après ils essayent de faire rentrer des brides d’informations dans leur narratif. Georges Simeone est député européen, il est extrêmement actif au niveau européen, comme tous les gens de son parti. Georges Simeone est le conservateur souverainiste qui a donc perdu face à Nikus Ordan qui sera votre nouveau président. Comment t’as vécu ce dimanche ? Un peu stressé si j’ai bien compris.
C’était une période quand même sous pression. Les gens ici, les Roumains, ont très mal vécu l’annulation de décembre. J’ai même été étonnée de voir des gens que je pensais très globalistes, très mondialistes, pleurer. On en a pleuré, les gens ont pleuré. Il y a eu un choc émotionnel.
chez toutes les générations et tous les milieux socio-professionnels ont très très mal vécu. On parle d’environ 5000 Français qui sont établis en tant qu’expats en Roumanie, peut-être un peu plus. Toi aujourd’hui, la vie au quotidien dans ce pays qui a vécu beaucoup de grandes étapes, de grands chapitres dans l’histoire, avec notamment l’époque Ceausescu dans les années communistes. Comment tu vis ton quotidien ? On le vit très bien.
La preuve, on est toujours là et on n’a pas envie de partir. Moi, je vois les expatriés français qui doivent rentrer, ils pleurent, ils pleurent de rentrer en France. Ils pleurent quand ils arrivent parce qu’ils croient que c’est le bout du monde ici, mais quand ils ont vécu un petit peu ici, qu’ils doivent repartir, mais tout le monde pleure, vraiment. Les épatriers français qui sont ici, qui s’installent ici, ou bien qui se marient ici, ou qui créent des entreprises ici, ou qui prennent leur retraite ici, il se passe quelque chose d’un peu magique, de très spécial avec le pays humain. avec les roumains.
Tu es une civilisation, comme je disais dans notre premier podcast en 2021, qui est centrée sur l’énergie du cœur. et non pas sur l’énergie de l’intellect, comme en France. Et puis ils sont accueillants, ils sont gentils, il n’est pas bousculé. Partout où tu vas, tu sais que tu vas être aidé, que tu vas être écouté. On n’est pas habitué à ça quand t’as vécu à Paris.
Quand t’as vécu à Paris, tu t’attends toujours à te faire rembarrer. Tu disais d’ailleurs que beaucoup de Roumains avaient quitté le pays pour finalement décider d’en revenir et de s’établir à nouveau. Pourquoi ? Disons que c’est une tendance générale. Je pense qu’ils ont pris beaucoup d’espoir avec la montée d’AOR.
de Georges Simion, ils ont pris beaucoup l’envie de revenir au pays. Ils restent quand même très attachés, c’est-à-dire que les Roumains vont travailler en France pour gagner plus d’argent, mais ils reviennent au pays beaucoup pour revoir leur famille, parce qu’ils ont eu un bébé, parce que la grand-mère est malade, parce que c’est les fêtes de Noël ou de Pâques et que pour eux c’est sacré et ils viennent ici pour trois semaines. Et je pense qu’il y a une évolution aussi. Moi, ce que je constate aussi, c’est qu’il y a un désamour grandissant par rapport à l’Occident, en particulier par rapport à la France. Et donc, ils s’en sont un peu revenus de leur rêve, tu vois, de leur rêve de partir.
Et pourquoi ces terres des Balkans, on les connaît si mal de la France ? Parce qu’on s’y est peu intéressé. C’est un manque de culture de notre part ? Je pense qu’il y a une grande frontière culturelle depuis toujours. Les Balkans ont toujours été des terres de lutte, d’influence, d’ingérence, de guerre.
La France a quand même beaucoup mis ses sabots en Roumanie. Les diplomates français, les comtes, les marquis, les ducs étaient tous plus ou moins passé par la Roumanie au XVIIIe, XIXe siècle, début XXe siècle. Napoléon Ier a foutu le bazar dans la région avec son traité secret d’Aerfurt où il autorisait les Russes à envahir la Roumanie, de quoi je me mêlais. Ensuite Napoléon III, c’est lui qui a été cherché en Allemagne, pour le pouvoir en Roumanie. Il y a toujours eu, de toute façon, de la part des Occidentaux et de l’Ouest, le besoin de s’impliquer dans ce qui se passait ici.
La Russie et la Turquie, surtout la Russie, les ont toujours beaucoup préoccupés. Ils ont quand même souvent été amis, tantôt ennemis, tantôt amis, tantôt ennemis. avec la Russie des Tsars, puis ensuite de Staline. Les Turcs, étant donné qu’on est tout près de Constantinople ici, ça a toujours été pour eux un grand souci, la terre roumaine. Donc les Russes et les Turcs ont passé aussi beaucoup d’années des décennies à se battre pour dominer en Roumanie.
Christine, merci pour ton point de vue. Une française expatriée dans la capitale roumaine à suivre du coup. Merci en tout cas d’avoir donné ce point de vue. Passe une belle journée dans cette jolie capitale. A bientôt.
A bientôt. Vous écoutez la voix des expats.
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