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Rencontre avec Sublime : Une artiste Française au Japon

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Avez-vous déjà rêvé de tout quitter pour explorer le monde ? Dans cet épisode, Gauthier Seys du site Francaisdanslemonde.fr nous emmène à la rencontre de Sublime, une artiste française qui a osé suivre ses rêves d’aventure internationale. À travers une discussion captivante, Gauthier et Sublime explorent les défis et les merveilles de la vie à l’étranger, en particulier au Japon, où Sublime réside depuis 1986. Si vous êtes curieux de savoir comment une vie de globe-trotter peut transformer une personne, cet épisode est fait pour vous.

Sublime, dont le nom d’artiste est aussi son nom de famille, est une chanteuse et danseuse française originaire de la région parisienne. Très tôt, elle a été exposée à un melting pot culturel grâce à ses parents venus d’Algérie et d’Italie. Après avoir quitté la faculté au bout d’une semaine, Sublime a décidé de partir à l’aventure à l’âge de 20 ans. Son parcours l’a menée à travers le Maroc, la Turquie, les Caraïbes, le Canada, et enfin au Japon, où elle s’est installée et a construit une carrière artistique unique.

L’épisode se concentre sur la vie de Sublime au Japon, un pays aux antipodes de la culture occidentale. Sublime partage ses premières impressions en arrivant au Japon, les défis linguistiques et culturels qu’elle a dû surmonter, et comment elle a finalement trouvé sa place dans ce pays fascinant. Elle raconte également ses expériences en tant que danseuse de French cancan et chanteuse de chansons françaises, ainsi que sa transition vers l’enseignement de la chanson française aux Japonais. Cet épisode est une véritable plongée dans la richesse culturelle et les paradoxes du Japon, vue à travers les yeux d’une artiste française passionnée.

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https://www.instagram.com/sublime_tokyo/

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Podcast n°2188 (Juin 2024) produit par www.FrancaisDansLeMonde.fr, 1ère plateforme multimédia d’aide à la mobilité internationale. Ecoutez nos radios et nos podcasts « Expat » en installant l’application mobile gratuite.

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Chapitrage du podcast :
0:00:01 – Introduction et présentation de Sublime 0:00:27 – Carrière internationale et arrivée au Japon en 1986
0:01:62 – Débuts au Japon et premières impressions
0:03:214 – Audition pour French Cancan et vie en campagne japonaise
0:04:319 – Immersion dans la culture japonaise et soirée du 14 juillet
0:05:319 – Rencontre de l’amour et vie à Tokyo
0:06:381 – Transformation de Tokyo des années 80 à aujourd’hui
0:08:487 – Carrière de chanteuse de chanson française au Japon
0:09:552 – Succès de la chanson française et influence culturelle au Japon
0:11:661 – Impact des musiciens français au Japon dans les années 80 et 90
0:12:758 – Transition vers l’enseignement de la prononciation française
0:13:818 – Réflexions sur la France et la citoyenneté mondiale

Retranscription du podcast :

Voici un nouveau podcast qui parle de la mobilité internationale et qui va rejoindre la galerie des 2000 interviews. Disponible sur francaisdanslemonde.fr. Je suis Gauthier Seyss et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Sublime à Tokyo. Le ciel bleu sur nous peut s’effondrer. Ah oui, Sublime, on s’en fout.
Et la terre peut bien s’écrouler. On va parler d’une belle carrière, d’un beau parcours à l’international. Un parcours qui va l’amener un peu partout dans le monde, mais surtout depuis 1986 au Japon. Elle a un autre prénom, mais qu’elle n’aime pas. C’est donc Sublime, son nom d’artiste, qui sera le prénom du jour.
Tu es ma première Sublime à interviewer sur la radio des Français dans le monde. Tu ne dis jamais ton vrai prénom ? Mais en fait, Sublime, c’est mon nom de famille, donc c’est mon vrai nom en même temps. Donc je ne saurais pas, je ne saurais jamais. Non, je ne suis même pas sous la torture.
Tu es originaire de la région parisienne, mais assez vite dans la famille, il y a un melting pot qui va t’ouvrir sur le monde avec des parents qui viennent un peu d’Algérie, un peu d’Italie, famille de migrants. C’est donc assez naturellement qu’après le bac et une semaine en fac qui t’aura suffi, Tu décides de partir découvrir le monde, tu sautes dans un avion, tu as 20 ans. Dans l’avion, tu es à côté de deux américains qui disent « Comment ça va ? » « Ça va bien, c’est mon anniversaire aujourd’hui », que tu réponds. Et donc du coup, ils te servent le champagne et t’arrives à Marrakech défoncée.
La vie commence bien, voilà. Incroyable. Te voilà arrivée au Maroc, ensuite tu vas faire la Turquie, les Caraïbes. Sans transition aucune, tu vas passer des Caraïbes au Canada, avec un petit coup de froid au passage. Un petit coup de froid en plein hiver.
Tu voulais découvrir le monde, t’as été gâtée, t’as découvert des choses incroyables. C’est des souvenirs magnifiques aujourd’hui pour toi. Oui, c’est des souvenirs magnifiques. Et puis, c’est déjà un début de conscience à l’époque que tout ce qu’on croirait quelque part ne l’est qu’à cet endroit-là, parce qu’il y a plein d’autres vérités qui fonctionnent aussi bien. On a, par exemple, plein d’a priori sur le Japon, pays où tu vas t’installer quelques temps après.
Quand tu arrives sur place, tu te rends compte que ces clichés sont à côté de la plaque, en fait. Alors en fait non, quand j’arrive, surtout je me rends compte que je suis… alors je voulais aller loin, j’ai été servi, je voulais me dépayser, je suis servi, mais je tombe vraiment dans l’inconnu le plus totalement. En même temps, c’est ce que je voulais, donc je suis servi. Je n’ai même pas le temps de comparer, je n’ai même pas encore ne serait-ce que la conscience de me mettre à comparer mes clichés avec ce que j’essaye de comprendre ce qui m’entoure déjà, c’est pas mal.
On est un peu perdu quand on débute l’aventure au Japon. Pas complètement larguée, en plus, quand on parle pas la langue. En même temps, tu sais, c’est quelque chose parce que moi, par exemple, aujourd’hui, quand je suis en France, je vais à la poste et que je vois quelqu’un galérer à remplir ses papiers. Eh bien, je l’aide. Parce que moi, ici, si on m’aide pas, je suis incapable de remplir un formulaire.
Je sais pas lire, je sais pas écrire. Tu réponds à une petite annonce pour une audition pour faire danseuse de french cancan dans une petite ville du Japon près de Fukushima. Alors on est loin de la capitale. C’est une espèce de campagne japonaise ? On est dans la montagne en fait.
On n’est pas très loin de là où a eu lieu la catastrophe en 2011. On m’avait dit c’est à deux heures de Tokyo. Je dis super, on ne m’avait pas précisé à deux heures en Shinkansen, c’est-à-dire en TGV, donc c’est à 500 bornes de Tokyo, c’est comme Paris-Lyon en fait. Alors tu te retrouves pendant six mois. Avec une troupe désagréable, ton seul ami est un chien.
Oui, c’est le seul être qui était content de me voir arriver quand je descendais l’avenue ou quand je remontais l’avenue principale. Ça a été 6 mois un peu difficiles. Et puis le freinage francan, ça fait mal partout. Ah oui, c’est terrible, c’est terrible. Mais vraiment, si on n’a pas la bonne technique, c’est une catastrophe.
On se casse le dos, on a mal aux jambes tout le temps. Ce n’est pas un bon souvenir. Non. Alors là, tu vas acheter le livre Apprendre le Japonais, des romans japonais. Alors tu dis que quand on rentre dans un pays, lire sa littérature, c’est assez formidable pour bien comprendre le fonctionnement du pays.
Et oui, parce qu’en fait tous les monologues intérieurs qui se font dans une langue et quand on lit plusieurs romans et qu’on retrouve un peu les mêmes considérations d’un roman à l’autre, on se dit ah bah ouais d’accord, entre eux ça fonctionne comme ça quoi. Et en fait je trouve que c’est une excellente introduction, la littérature d’un pays est une excellente introduction à sa compréhension. Ça peut être un conseil pour les auditeurs qui vont partir s’installer dans un pays. Exactement. Au bout de ton visa de 6 mois, une copine à toi propose d’aller à la soirée du 14 juillet à Tokyo, à l’ambassade française.
Et là, tu vas y rencontrer l’amour. C’est souvent l’amour qui fait qu’on reste dans un pays. 8 ans, passé avec un japonais. C’est vraiment là, Tokyo. Cette fois-ci, on est dans la capitale.
C’est un Tokyo qui ne ressemble pas au Tokyo d’aujourd’hui. C’était une espèce de Venise de l’Asie à l’époque. Alors non, ça c’est bien avant. La Vénice de l’Asie c’est avant 68, avant les Jeux Olympiques de 68 qui ont défiguré complètement la ville. C’était une ville de canots, mais ça je n’ai pas connu.
Puisque déjà à la fin des années 80, C’était avec cette autoroute en plein milieu comme ça et puis tous les canaux recouverts par des routes, en fait par du béton. Mais par contre non, c’est un Tokyo qui est construit moins haut qu’aujourd’hui. Il y a plus encore que maintenant des vieilles maisons, il y a plus au coin d’une rue un paysage sorti de l’histoire. Voilà, c’est différent.
C’est moins international aussi, donc on est beaucoup plus visible en tant qu’étranger, beaucoup moins maintenant en fait. Ça a basculé un peu dans les années 2000, mais dans les années 80, 90, c’est encore assez fermé le Japon.
Alors on imagine cette capitale qui grouille de monde, avec beaucoup de travail, une culture qui est très différente de la nôtre, qu’on n’arrive pas à bien comprendre. T’arrives à t’y retrouver là-dedans ? Non, pas au début, non. Mais au fur et à mesure que je ne me retrouve pas, ça ne me dérange pas. Nager dans l’inconnu, ce n’est pas un problème.
Et surtout, il y a quelque chose, au milieu de tout ça, il y a une forme de silence malgré tout. Il y a quelque chose de paisible, il y a quelque chose de… comme ça qui te pyramide, qui te laisse serein. J’ai jamais réussi à comprendre pourquoi. C’est une forme de paradoxe en fait et c’est un des charmes du Japon.
Et puis avec ces saisons qui marquent le temps, ces frisiers qui se mettent à fleurir fin mars début avril. et qui sont plantées tellement partout que tu évolues dans un nuage de fleurs. Et puis à l’automne, c’est des érables rouges. Après, c’est les ginkgos qui sont plus jaunes. La nature, en même temps, est curieusement très paysagée, mais très présente aussi.
Il y a des parcs. Tu vas découvrir que le chant fait moins de courbatures que la danse.
Non seulement ça donne moins de courbatures, mais en plus, tu peux prendre 10 kilos et tout le monde s’en fout. Alors là, je me suis dit ça, c’est pour moi. Alors tu te retrouves, chanteuse des grands classiques du répertoire de la chanson française, accompagnée par un orgue de Barbarie et tu vas faire plein de galas. C’est le charme à la française qui plaît au Japon. Voilà et puis je joue la carte à fond parce qu’en plus je suis super bien payée pour le faire et je suis tellement bien payée pour le faire que même je rentre en France trois mois par an pour apprendre à chanter pour faire ça bien et alors après ce qui est rigolo c’est qu’en même temps je rencontre je pense les trois compositeurs les plus d’avant-garde de ma génération et avec eux je me mets à écrire des chansons.
complètement barré. Alors d’un côté je suis dans la tradition française à fond et de l’autre côté je suis dans la musique complètement perché, complètement barré avec des gens absolument géniaux. Donc ce sont des moments de grand bonheur on va dire. Et tu vas écrire une chanson qui. S’Appelle Tokyo, je t’aime, ça dit quoi ?
Tokyo, il va pleuvoir toute la journée, toute la semaine, pendant des heures. Tokyo, ajisai à la saison des pluies et au printemps, sakura, nuages de fleurs entre les tours, etc, etc. Faut l’écouter, cette chanson est magnifique. On va l’écouter. En plus, il y a une super musique dessus.
Alors, certes, il y a le soft power des mangas qui arrivent jusqu’à chez nous, mais eh bien, la chanson française arrive aussi au Japon. Mireille Mathieu, Damo ou Sylvie Vartan sont des vrais stars. En fait, on sait pourquoi les chanteurs français plaisent comme ça. Oui, alors ça, ça date, je pense, de l’après-guerre. Il y a une forme, chez les japonais, on va dire conscientisés, après-guerre, il y a une forme de résistance culturelle à l’occupation américaine, qui passe par aimer les films français, aimer la chanson française.
Alors ça, c’est une saison de là. saison de la chanson française. Ensuite, et puis aussi je pense parce que la chanson française exprime beaucoup de sentiments à l’époque et les gens sont sensibles à ça vu que dans leur vie à eux, ils n’expriment pas trop leurs sentiments. Ensuite, il y a la période vieillée aussi qui vient cartonner ici. Adamo cartonne, Sylvie Vartan cartonne, Mireille Mathieu cartonne.
Bon, puis après, avec le recul, il faut quand même dire que ce sont des gens qui avaient des sacrées voix. C’est quand même quelque chose. Et puis, dans les années 80, il y a le rock français qui vient cartonner ici aussi. Il y a l’Erita Mitsouko, il y a Safo. Il y a à l’époque un agent qui s’appelle Tatsuji Nagataki et qui fait venir des stars du rock français, puisque dans les années 80 c’est surtout le rock français qui prédomine dans la chanson française.
Ça a un impact sur un groupe plus réduit, mais quand même sur 120 millions d’habitants, une niche, ça fait toujours du monde, donc ça a un impact. Ensuite, dans les années 90, il y a par exemple les Négresses Vertes qui viennent faire des concerts. Il y a toute cette mouvance un peu rock. rock, world, tout ça mélangé, qui vient faire des concerts ici, beaucoup de concerts. C’est comme ça qu’un certain nombre de groupes français fonctionnent mieux au Japon qu’en France.
C’est arrivé, ça. C’est arrivé, mais là, les groupes dont je parle, c’est déjà des groupes qui fonctionnent super bien en France. Après, les groupes qui fonctionnent mieux au Japon qu’en France, c’est des groupes qui fonctionnent pas en France parce qu’ils sont pas en France, parce qu’ils sont au Japon.
Il y a eu une chanteuse dans les années 90-2000, assez inconnue au bataillon en France, qui s’appelle Clémentine, et qui a cartonné ici parce qu’elle était vendue comme un produit français. Elle, elle a été un produit fabriqué par l’industrie du disque japonais, donc elle a cartonné. Mais sinon, la plupart des gens qui ont marché ici, c’est des gens qui marchaient en France aussi. Malheureusement, tu ne vas pas avoir la carrière de Mireille Mathieu, tu ne vas pas percer comme des artistes comme ça et tu vas décider de plutôt passer dans la transmission et ouvrir des classes de chansons françaises avec une méthode de prononciation. Il faut dire que quand on est japonais, les textes de braille, ça doit être un peu difficile à articuler.
Donc, tu trouves une méthode et les classes cartonnent. Ouais, et tu sais, c’est marrant, tu parles de Brel, mais j’ai un élève, enfin un élève, je veux dire, il y a quelqu’un à qui je coach, un chanteur, un chanteur amateur, qui ne parle pas un mot de français et qui chante Brel comme s’il y était, comme s’il y était et qui le prononce super bien et tu oublies pas un mot. Donc, en plus, ma méthode, elle marche super bien. Sublime, je creuserai la terre jusqu’après ma mort pour couvrir ton corps d’or et de lumière, si tu veux. D’accord.
Ouais, je veux bien, ok, super, vas-y ! Petite question ! Allez, au travail ! Au travail ! On va sortir la pelteuse !
On va faire une matos ! Depuis 1986 au Japon, tu regardes comment la France ? Elle te manque ? Elle te plaît ? Tu…
Tu… Tu… Je sais pas, dis-moi un peu si je te dis… La France, c’est…
La France c’est mes racines, c’est ma colonne vertébrale. Après moi j’y fais pousser les feuilles qui veulent bien pousser. Mais je pense que c’est un pays que j’aime beaucoup plus depuis que j’en suis loin. Depuis que j’en suis loin, depuis que j’ai vu d’autres pays, j’ai conscience de toute… de toutes les choses formidables qu’on a en France et de toutes…
comment dire… ah je sais pas comment dire ça, c’est important parce que je pense que le plus beau cadeau que j’ai reçu de la France c’est ma conscience politique en fait. C’est la conscience d’être issue d’un peuple civique et pas d’un peuple ethnique. Et c’est ce qu’a fait de moi une citoyenne du monde, mais c’est aussi ce qui fait de moi aujourd’hui une fervente partisane de l’accueil de l’autre, y compris en France. C’est d’ailleurs un des points communs que j’ai avec les 2200 personnes que j’ai interviewées.
On aime encore plus la France quand on n’y est pas, ce qui est très paradoxal. Mais bon, c’est le paradoxal système de Laurent Voulzy peut-être, c’est comme ça que ça l’a inspiré. Non, mais il y a aussi que quand on sort de… On ne peut pas savoir qu’on est dans un cadre tant qu’on est dans un cadre en fait. Et dans ce cadre, on s’y sent bien ou pas.
Moi, je ne m’y sentais pas terriblement bien puisque j’en suis partie. Mais une fois que tu es parti et que tu regardes de loin, en fait, c’est un peu comme quand tu es trop près de quelqu’un, ça finit par être difficile. Et puis quand tu prends un peu de distance, là, tu vois les gens comme ils sont. Je pense que c’est pareil pour notre pays. Une sublime interview de Sublime sur la radio des Français dans le Monde.
Merci beaucoup pour ce moment. Écoute, je te souhaite le meilleur dans cette grande capitale et au plaisir de se retrouver sur notre antenne. Merci Gauthier, moi aussi je te souhaite le meilleur.
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