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Avez-vous déjà ressenti une pression constante de devoir être connecté en permanence ?
Dans cet épisode de « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », nous explorons le phénomène du technostress, ce stress généré par l’omniprésence de la technologie dans nos vies. Entre notifications incessantes, mises à jour technologiques et l’illusion d’être toujours joignable, comment notre quotidien est-il impacté par ces outils numériques qui, bien que pratiques, peuvent aussi devenir envahissants ?
Notre invitée du jour est Magdalena Zilveti Manasson, une psychologue basée dans le New Jersey, reconnue pour son expertise en matière de vie d’expatriés et de technostress. Auteur du livre « Réussir sa vie d’expat », Magdalena apporte un éclairage précieux sur la manière dont la technologie influence notre bien-être mental. Elle a déjà partagé ses connaissances lors de précédentes interviews et revient aujourd’hui pour approfondir ce sujet crucial.
Au cours de cet épisode, nous discutons de la façon dont le technostress s’est intensifié avec l’essor des smartphones et la pandémie de Covid-19, qui a rendu la technologie indispensable pour maintenir le lien social. Magdalena explique comment cette dépendance technologique peut mener à une véritable addiction, reconnue aujourd’hui comme un trouble comportemental. Elle aborde également les défis spécifiques des expatriés, qui, bien que bénéficiant de la connectivité pour rester proches de leurs familles, peuvent ressentir une déconnexion avec leur environnement local. Enfin, Magdalena partage des conseils pratiques pour réduire le technostress, comme désactiver les notifications et instaurer des moments sans technologie, afin de retrouver un équilibre sain entre le monde digital et la réalité.
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10 minutes, le podcast des Français dans le Monde.
C’est la radio des français dans le monde, et peut-être qu’en même temps vous regardez une petite story Instagram, ou vous avez une notification Amazon pour un nouveau produit incroyable qu’il faut absolument commander tout de suite, ou vous avez un Snapchat de vos enfants qui vient de tomber, ou… Bon, on va arrêter là, vous avez bien compris. On va parler du technostress pour ce sujet important. Voici mon invité, bonjour Magdalena ! Bonjour !
Magdalena Zilvetti-Manasson, basée dans le New Jersey, tu as eu l’occasion d’intervenir sur notre antenne pour présenter ton parcours et pour parler de ce cabinet de psychologue. Tu es psychologue, auteur notamment d’un livre qui s’appelle Réussir sa vie d’expat et coach. Et dans notre dernière interview en partenariat avec Expat Pro, on a évoqué le techno stress. Je voulais revenir avec toi aujourd’hui sur ce sujet qui me semble être ô combien important. Magdalena, est-ce que tu peux me Définir ce qu’est le technostress.
Alors effectivement, le technostress, c’est déjà un terme qui est né dans les années 80, quand on s’est rendu compte de la présence de plus en plus importante de la technologie dans notre vie de tous les jours. Et maintenant, on peut plus s’en passer. Et notamment, c’est à toucher des générations plus anciennes qui ont du mal à s’adapter, mais pas uniquement. Il y a le problème de l’outil informatique en soi, qui peut créer du stress, parce que c’est ce qu’on parle de la surcharge technologique, par exemple, avec la présence omniprésente des outils informatiques. L’invasion technologique aussi, qui est le besoin constant de s’adapter à cet outil informatique.
La complexité technologique, parce que de plus en plus il y a des mises à jour, il ne faut pas oublier ça, il faut se moderniser, avoir des ordinateurs de plus en plus performants. Il y a l’insécurité technologique quand on se demande, est-ce qu’on va réussir à gérer les nouveautés ? Et puis il y a l’incertitude technologique qui est aussi, qu’est-ce qui va arriver maintenant ? Qu’est-ce qui nous attend encore ? On peut dire qu’avec le Covid, on a eu une période qui était particulièrement angoissante.
Le monde s’est arrêté, on ne pouvait plus bouger. On était loin de sa famille, de ses amis. Cet outil a été incroyablement fabuleux, pratique. Et en même temps, est-ce qu’il ne nous a pas plongé dans quasiment une tech addiction ? Oui.
Alors déjà aussi, avant ça, c’est le smartphone qui est apparu en gros il y a une douzaine d’années où tout le monde l’a eu. Ça a déjà mis un coup supplémentaire sur cette importance de la technologie parce qu’avec le smartphone, en fait, d’un coup, la technologie est devenue immersive, interactive et continue. Maintenant, c’est toujours avec nous. Avant, c’était l’ordinateur qui était dans le salon, puis on allait le voir. Là, maintenant, il est tout le temps avec nous.
Donc, du coup, on a tout le temps des illusions qui sont là. L’illusion d’être partout à la fois, parce que maintenant, on peut parler à quelqu’un qui se trouve dans un autre pays alors qu’on est en train de prendre son café au Starbucks. L’illusion d’être constamment joignable aussi, parce qu’on a l’impression que c’est à portée de main. Donc, quelqu’un nous appelle ou nous envoie un message. L’illusion aussi d’être toujours dans la boucle.
Parce qu’il ne faut pas louper quelque chose. C’est le faux mot, le fear of missing out. Il faut quand même que je regarde, parce que sinon, je ne vais pas avoir cette information. Et puis, il y a ce côté aussi, doomscrolling qu’on appelle. C’est le fait qu’avec le téléphone, on peut toujours regarder, regarder.
Il n’y a pas de fin. Ça ne s’arrête jamais. Il y aura toujours quelque chose. Et avec une illusion de contrôle aussi. On a l’impression qu’on peut aussi contrôler notre image avec des avatars, par exemple, qu’on peut se créer, nos faux noms se compostent.
notre vie qu’on accepte de montrer qui est en fait quelque part un peu fantasmée. Et ça contraste avec la réalité de la vie qui est parfois un petit peu plus boring. Et donc déjà ça, ça crée encore plus de stress. Alors on a utilisé le terme tech-addiction, il s’avère que toi en tant que psychologue aujourd’hui tu peux confirmer que c’est une vraie maladie aujourd’hui, une conséquence possible du techno-stress qui est avérée de façon physique dans l’organisme. Oui, déjà maintenant, c’est devenu un diagnostic officiel.
Par exemple, la classification internationale des maladies en 2019 a inclus les troubles des jeux vidéo dans les troubles diadictifs, parce que les jeux vidéo font partie de ça. Donc c’est devenu une addiction comportementale, quand on appelle. Ça fait partie d’un diagnostic officiel. Et ça, ça fonctionne en fait. Pourquoi on peut devenir addict ?
C’est au niveau du cerveau. On voit qu’il y a les produits comme l’alcool ou la drogue, ce sont des produits chimiques qui sont exogènes, qui viennent de l’extérieur du corps. Et quand on les prend, en fait, ça touche la voie dopaminergique du cerveau, ce qui permet d’avoir le contrôle de soi. C’est le rewarding system, donc c’est le système de récompense du cerveau. Quand on prend quelque chose qui nous fait plaisir, ça booste le dopamine.
Et c’est un bon comportement comme faire du sport ou manger des aliments, le chocolat par exemple, ce genre de choses, ça va aussi déclencher de la dopamine, mais de manière intérieure, endogène. Et c’est ce qu’on voit un peu ce qui se passe avec le téléphone, par exemple un bling, une alerte ou quelque chose, on a une excitation et le dopamine qui va avoir un plaisir, c’est super, mais on en veut toujours plus. On est sur la radio des français dans le monde, du coup, on va ramener ce sujet à la vie des expats. Alors, c’est une bonne chose. On l’a dit, avec le Covid, ça a permis à ce que les familles puissent être réunies, à pouvoir garder le contact.
Mais première question, est-ce que du coup, être expat, ça a encore un sens, vu qu’on peut tout faire à distance, plus besoin de partir ? Il y a certaines choses qu’on peut faire de plus en plus à distance, et par rapport à ça, c’est quand même une aide énorme, parce qu’avant, les expatriés perdaient totalement contact avec leur famille, c’était des lettres qui mettaient trois mois à arriver, on était toujours vraiment en distance. Maintenant, la simultanéité est là, qui est bénéfique, mais qui en même temps peut être aussi frustrante. Parce que, par exemple, certaines familles qui vivent assez loin vont devoir calculer à quelle heure elles peuvent contacter la famille qui est restée sur place et donc s’inquiéter sur comment je peux être à la fois là-bas tout en restant ici. Ça peut impacter finalement l’autre vécu dans le lieu local parce qu’on a toujours un œil sur là-bas.
au niveau des choix de vie, au niveau des activités qu’on va faire et puis aussi le fait d’avoir la possibilité de voir ce qui se passe durant notre absence grâce aux images, aux vidéos, des anniversaires ou des mariages où on n’a pas pu y assister. C’est à la fois super parce qu’on peut aussi être davantage dans la boucle, mais en même temps ça peut créer encore plus de culpabilité, de tristesse, de regrets. Donc ça peut jouer aussi émotionnellement. Et puis on a peut-être parfois un peu de mal à se situer entre le monde réel qui existe autour de nous et le monde virtuel que l’on peut suivre à distance. Ça ne facilite peut-être pas l’intégration quand on vit l’expatriation.
Pas toujours, ça facilite d’un côté parce qu’on peut avoir des informations, mais de l’autre côté, parfois non. Et puis aussi, lorsqu’on a le plaisir de pouvoir poster des images de nos endroits où on a voyagé, c’est super, etc. Peut-être que les gens qu’on a laissés sur place ont aussi une vision faussée de notre vie en expatriation, en disant mais c’est super ta vie et si jamais quelque chose nous arrive ou on a un coup de mou, on est triste, Ils vont peut-être pas le comprendre non plus parce qu’ils voient juste l’image idéalisée qu’on leur envoie aussi. Alors, on va essayer d’être un petit peu optimiste, Magdalena. Est-ce qu’il y a des petits conseils ?
Par exemple, on a commencé cet entretien hors antenne tout à l’heure. Moi, je t’ai dit, j’ai fait un truc ces derniers mois. J’ai retiré les notifications parce qu’évidemment, avec le métier que je fais, on me parle jour et nuit. Vu qu’il n’y a pas de jour et il n’y a pas de nuit, je devenais un peu fou, en fait, d’avoir en effet toujours des sollicitations. Par exemple, Retirer les notifications ou, si on se fait un apéro avec des amis ou en couple, poser son téléphone, ne plus l’utiliser pendant une période, c’est pas grave, la Terre continuera à tourner.
Et ça, c’est un excellent conseil parce qu’effectivement, choisir des moments où on se met offline, c’est reprendre contrôle dans sa vie, un réel contrôle. La même chose, c’est enlever le téléphone de sa chambre, par exemple la nuit, ça permet de vraiment dormir et de ne pas être constamment en vigilance, parce que ça, ça épuise le cerveau. Et la nuit, on a besoin de se reposer. Et ça, c’est un des problèmes, par exemple, pour les adolescents et pour les enfants qui sont constamment sollicités, même la nuit, et ne se reposent pas, et leur cerveau n’est pas terminé lorsqu’ils sont adolescents. Donc, ça peut aussi avoir des conséquences qui sont très, très néfastes.
Donc effectivement, mettre tout le côté technologique de côté, par certains moments, limiter, même se poser la question, quelle place a cette technologie dans notre vie aujourd’hui ? Quelle place on va lui donner ? Et aussi pour les parents, parfois c’est assez difficile quand on leur conseille, je vois pas mal de parents qui viennent me voir en étant inquiet parce que leur adolescent ou jeune adulte, et constamment dans les jeux vidéo ou constamment sur les réseaux sociaux. Et ils critiquent ça, mais en même temps eux-mêmes ont toujours le téléphone à portée de main parce qu’il y a des raisons professionnelles. Je peux avoir un email, etc.
Et à table, on voit des familles avec leur téléphone constamment. Mais c’est difficile de dire aux enfants, ne le faites pas, si eux-mêmes voient leurs parents le faire constamment aussi. Et ma dernière question, à quel moment on doit consulter un psychologue ? À quel moment, soit ou son enfant par exemple, ça va trop loin et ça peut poser des problèmes physiques ? Alors souvent on me demande est-ce qu’il y a une durée ?
Combien d’heures par jour on peut se dire là c’est trop ? Et c’est pas une question de durée. Parce qu’on peut se dire un week-end entier on va jouer avec les copains et on passe tout le week-end à jouer dans les jeux vidéo et puis c’est ok si c’est ponctuel. En fait il y a quatre questions qu’on doit se poser pour savoir si on est passé au niveau de l’addiction. C’est est-ce que c’est compulsif ?
Qu’on peut arrêter ? Ou est-ce que c’est tout le temps ? Est-ce qu’il y a une perte de contrôle ? On peut plus s’en passer. Est-ce que c’est continu malgré le fait qu’il peut y avoir des conséquences négatives ?
Par exemple, on conduit une voiture, est-ce qu’on est obligé de regarder à ce moment-là son téléphone parce qu’on vient de recevoir une alerte alors qu’on est en train de conduire et qu’on peut risquer d’avoir un accident ? Et la dernière question, c’est est-ce qu’il y a une présence de rumination, ce qu’on appelle de préoccupation mentale liée à ça ? Est-ce que lorsqu’on est à table, on est en même temps en train de se poser la question, mais qu’est-ce qui se passe là-bas ? On n’est pas vraiment là parce qu’on est encore là-bas ? C’est trop présent dans la tête.
Donc ces quatre questions, c’est ce qui peut beaucoup plus impliquer, il y a peut-être une addiction. Alors, n’hésitez pas à aller faire un petit tour sur X-Pad Pro. Il y a un article de Magdalena sur ce sujet. N’hésitez pas à désactiver vos notifications et dites-vous bien qu’il y a quelques années, quand il fallait envoyer un courrier, il fallait bien que le courrier ait le temps de voyager à travers le monde. Et donc, si vous loupez une notification et que vous répondez dans quelques dizaines de minutes, il n’y aura pas mort d’homme.
C’est quand même… Alors moi, j’ai l’impression que chez moi, j’ai vraiment fait demi-tour. Personnellement, j’ai fait marche arrière par rapport à cet outil. J’allais au resto, je faisais une photo. J’ai trouvé que c’était un moment absurde puisque la personne qui regarde la photo, de toute façon, ne peut pas manger mon plat.
Est-ce que tu constates qu’il y a quand même un certain nombre de gens qui en ont pris conscience et qui font marche arrière ou est-ce que ça s’aggrave de jour en jour ? Ça s’aggrave de jour en jour de façon claire, surtout pour les plus jeunes, parce qu’ils ne connaissent pas la vie sans ça.
Les adolescents qui ont 12-13 ans, ils ont toujours vécu avec ça, et ça devient vraiment très très important. Peut-être que certaines personnes réalisent, et c’est ce que vraiment on recommande, de prendre un recul vis-à-vis de ça, parce qu’effectivement, c’est pas grave si on limite les choses. Mais les adolescents vivent et se sont formés sur le tout de suite, maintenant, et plein de choses à la fois. Et donc ça, c’est leur manie. On ne sait pas encore les conséquences.
exactement qui ça aura pour les plus jeunes. Merci beaucoup Magdalena pour ce sujet qui me semble être dans la vie de tous les jours. Un sujet important. Au plaisir de te retrouver. Merci beaucoup.
A très bientôt. Vous écoutez la radio des Français dans le Monde.
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