Francophonie : Anne Boulo & Philippe Loiseau décryptent

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Vous êtes-vous déjà demandé quel est l’état actuel de la francophonie dans le monde et quels défis elle doit relever ? Dans cet épisode de « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », Gauthier Seys discute avec Anne Boulo et Philippe Loiseau, deux membres du Think Tank « La France et le monde en commun », pour explorer ces questions. Le podcast se penche sur l’importance de la francophonie et les efforts pour la promouvoir, à quelques jours du sommet de la francophonie qui aura lieu à Villers-Cotterêts.

Anne Boulo, professeure des écoles au lycée français Charlemagne à Pointe-Noire, Congo-Brazzaville, et Philippe Loiseau, élu des Français de l’Allemagne du Nord et membre de l’Assemblée des Français de l’étranger, sont les invités de cet épisode. Tous deux ont une expérience riche et variée dans la promotion de la francophonie à travers le monde. Leur engagement et leurs perspectives apportent une dimension unique à la discussion sur l’état de la langue française et ses enjeux contemporains.

L’épisode aborde plusieurs aspects de la francophonie, notamment son évolution historique, son rôle économique et les défis actuels. Les invités discutent de l’importance de la loi Toubon de 1994, du rapport de Jacques Attali de 2014, et des récentes initiatives économiques et culturelles pour promouvoir la langue française. Ils soulignent également l’importance du multilinguisme et des efforts pour maintenir la francophonie dynamique et pertinente dans un monde en constante évolution.

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https://lafranceetlemonde.org/2024/03/18/la-france-au-coeur-de-la-francophonie-et-la-francophonie-au-coeur/

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Podcast n°2270 (Septembre 2024) produit par www.FrancaisDansLeMonde.fr, 1ère plateforme multimédia pour ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Ecoutez nos radios et nos podcasts « Expat » en installant l’application mobile gratuite.

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Chapitrage de l’épisode

00:00:00-Présentation de l’épisode
00:00:23-Introduction des invités
00:01:00-Parcours de Anne Boulo et Philippe Loiseau
00:01:57-État de la francophonie aujourd’hui
00:02:57-Loi Toubon et rapport Attali
00:04:17-Histoire de la langue française et Villers-Cotterêts
00:05:36-Le rôle du multilinguisme dans la francophonie
00:06:56-Concurrence géopolitique et linguistique en Afrique
00:07:56-Défis économiques et numériques pour la francophonie
00:08:56-Initiatives économiques francophones
00:10:22-Impact des Jeux Olympiques sur la francophonie
00:11:36-La francophonie : un espace international et partagé
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Retranscription de l’épisode

Voici 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde pour aider tous ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Je suis Gautier Saïs et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Anne Boulot et Philippe Loiseau. On parle de francophonie. 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde.
Les 4 et 5 octobre prochains, la France va accueillir le sommet de la francophonie. Ça va se passer à Villers-Cotterêts. Je pense qu’il y a une référence historique au fait que ça se passe là-bas. On va en parler avec mes invités. Je salue Anne, que l’on retrouve depuis l’Afrique.
Bonjour, Anne Boulot. Bonjour. Bonjour à la radio. Bonjour à tous. Un petit mot sur ton parcours.
Là, tu vis du côté du Congo. Oui, je vis au Congo-Brazzaville à Pointe-Noire depuis 4 ans, donc j’y enseigne, je suis professeure des écoles au lycée français Charlemagne et j’y suis élue pour représenter les Français qui vivent au Congo. Un autre élu qui fait partie du think-tank La France et Le Monde en commun, dont la radio est partenaire et c’est pour ça qu’on se retrouve aujourd’hui pour parler de la francophonie, c’est un habitué, Philippe Loiseau. Bonjour Philippe. Bonjour Gautier, merci de nous recevoir.
Guten tag même puisque toi tu es à Berlin. Oui, je suis à Berlin depuis très longtemps et je profite de la vie à Berlin. Je suis également élu des Français de l’Allemagne du Nord auprès de mes compatriotes et auprès du consulat et membre de l’Assemblée des Français de l’étranger. Et vous avez tous les deux ardemment travaillé sur le vaste sujet de la francophonie. Je vous ai posé un peu la question en préparant l’interview.
Est-ce que le bilan est bon ou mauvais ? Vous m’avez mis une note un peu comme à l’école, un peu comme j’avais à l’école d’ailleurs. Peu mieux faire, parce que c’est vrai qu’on entend un peu. Est-ce que c’est vrai qu’on a cette sensation que la francophonie s’affaisse un peu ? Est-ce que c’est un peu le ressenti que les gens peuvent avoir ces dernières années ?
Alors, tout dépend de là où on regarde la francophonie, de là où on l’observe, parce qu’il y a quand même plus de 300 millions de locuteurs francophones. Mais en plus, disons qu’en France, la francophonie a peu d’échos. C’est ce dont on s’est aperçu, même s’il y a quand même beaucoup d’organismes, d’instituts, d’associations de personnes individuelles qui essayent de faire vivre la francophonie. On va s’intéresser plus spécifiquement à votre travail. Sachant déjà qu’on peut poser la question, pourquoi vous vous êtes intéressé spécifiquement à ce sujet ?
Eh bien 2024, nous l’avons pensé, une année très importante, très spectaculaire à propos de la francophonie. C’est d’une part des anniversaires qui passent un peu inaperçus et nous voulons donc mettre l’accent sur ces dates. Par exemple, 1994, c’est la loi Tougon.
qui était effectivement déjà une façon pour le gouvernement de l’époque de reprendre la main sur la francophonie et de soigner l’emploi de la langue française. Elle était destinée, cette loi, à protéger le patrimoine linguistique français. C’est en 1994. Et puis il y a eu également en 2014 le rapport de Jacques Attali remis au président de la République qui s’intitulait, je cite, « la francophonie et la francophilie moteur de la croissance durable ». Et là, il y avait déjà cette dimension qu’on connaît chez Jacques Attali d’économie et de potentiel qu’il estimait, lui, au niveau de la francophonie, insuffisamment exploité.
Et il y a naturellement cet été les JO et les Jeux Paralympiques. Les JO viennent de se terminer dans une certaine grandeur au niveau des médaillés français. Et puis ça a été un gros focus sur la France. Et la France Médiamonde, au lieu extérieur, a mis un accent important sur la langue française au service du sport, même si ce n’est pas un sujet central dans cet événement sportif international. Et puis, naturellement, comme tu l’as dit tout de suite dans ton interview, l’important c’est aussi le sommet de la francophonie de Villers-Cotterêts au mois d’octobre prochain.
Voilà, c’était des événements et des dates qu’on voulait marquer et mettre en perspective ce que l’on sait sur la francophonie aujourd’hui. Le choix de la ville, ce n’est pas par hasard. C’est là que François 1er a fait du français la langue officielle de notre pays il y a quelques années. Oui, tout à fait. En fait, historiquement, François 1er a souhaité faire une sorte d’union des français autour d’une seule langue.
Au départ, c’était le français en tant que langue administrative, mais petit à petit, tout au long de l’histoire de France, on a vu que la volonté était que tous les français parlent le français. Et petit à petit, on a vu l’disparition des langues régionales au profit uniquement du français. C’est ça hein Philippe ? Oui absolument et d’ailleurs l’ordonnance de Villers-Cotterêts fait suite à des réponses du roi François 1er à des remontrances du parlement des états généraux du Languedoc, huit ans plus tôt en 1531, ordonnance ou message qu’il avait effectivement prononcé à la faveur des langues régionales par rapport au latin. Donc il y a une transition du latin aux langues régionales et au français, finalement, en premier tiers du 16e siècle.
C’est assez intéressant. Aujourd’hui, dans le monde, on en recense environ 320 millions. Les chiffres ne sont pas extrêmement précis, mais c’est plus ou moins la donnée que l’on trouve. C’est beaucoup ou ça pourrait être mieux ? C’est difficile, on classe le français entre la 5e et la 7e place des langues parlées dans le monde.
Les langues c’est quand même quelque chose qui est encore vivant. On voit bien qu’on évolue dans un contexte multilingue et la plupart des habitants de cette planète sont multilingues, sont plurilingues. Il y a bien que les français souvent pour s’accrocher uniquement aux français. Et nous, Français de l’étranger, on a quand même ce contact, cette mise en perspective qui est supplémentaire, qui est une sorte de valeur ajoutée. Et on voudrait mettre l’accent sur ce sujet parce que la francophonie, on la défendrait uniquement dans un cadre de multilinguisme, du respect, du partage.
D’ailleurs, on parle souvent de francophonie au pluriel. Et est-ce que si on regarde un peu sur une longue durée, la tendance, par exemple, si on prend le continent africain, on a tendance à reculer avec la francophonie ou c’est faux ? Je pense que la langue, la francophonie, ne recule pas, ne serait-ce que mathématiquement, avec quand même une croissance de la population très importante. Après, il est vrai qu’il y a la concurrence d’autres langues, de nouvelles langues. Il peut y avoir le chinois, le russe, d’autres langues, d’autres…
C’est plus un problème, un enjeu géopolitique aussi, puisque la langue devient une langue de conquête. La France l’est aussi, mais c’est vrai que maintenant elle est face à plus de concurrence. D’autres pays qui veulent aussi influencer, conquérir des marchés. Et la langue est un instrument aussi, je pense. Voilà, je pense qu’elle se porte bien quand même, en tout cas sur le continent africain, pour l’instant.
Quels sont les grands défis qui attendent la francophonie ? Les défis, c’est que le français trouve sa place dans les expressions francophones du monde, aussi en termes économiques, notamment quand on passe aussi au numérique. Là, on a beaucoup d’interrogations et de questionnements. Quelle va être la destinée de la francophonie dans cet espace qui est en mouvance, qui subit des crises internationales ou des crises politiques ou des crises humanitaires ? Tout ça, ça fait un tout dans lequel on peut estimer que la francophonie ou les francophonies n’ont pas forcément aujourd’hui dans le meilleur de leurs formes.
Encore une fois, quand on regarde de près les initiatives de la société civile, ce que font également les États et notamment l’État français et les pays francophones du monde, on peut quand même être assez confiant sur le courage et sur l’abnégation et sur les projets qui sont actuellement menés et qui seront menés dans les années qui viennent. Je pense aussi qu’il faut mettre en valeur le fait que cet espace francophone, ce n’est pas seulement un espace linguistique, mais effectivement, il y a quand même des initiatives dans le milieu économique qui se sont développées. L’espace économique francophone, c’est quand même 16% du PIB mondial, c’est 20% des échanges commerciaux. Et donc, vous avez une alliance des patronats francophones qui s’est créée, vous avez un réseau des entrepreneurs francophones avec des rencontres chaque année. Et donc, ils essayent de faire de mettre en avant que le fait qu’on fasse partie d’un espace francophone est un atout et que ce sont des marchés pour les uns et pour les autres, d’égal à égal.
Alors c’est vrai qu’il y a quand même une association qui regroupe des entrepreneurs français à travers le monde qui s’appelle French Founders. Quelque part, c’est rigolo d’avoir un nom anglais pour défendre des entrepreneurs français. Ce cas s’impose quand même un peu régulièrement. Oui, mais l’initiative dont je vous parlais, en fait, c’est vraiment une initiative du MEDEF, certes de France, mais qui réunit des entrepreneurs, des syndicats de tous les pays francophones. Et là, il n’y a pas une volonté d’imposer les entrepreneurs français, c’est vraiment au service des entrepreneurs francophones.
Ça assemble tous les pays francophones. Leur but, c’est de développer des marchés pour tous, pas seulement pour les Français. Le monde entier a entendu parler français cet été avec Paris 2024. On en a touché un mot. D’ailleurs, avec un éditorialiste sur la radio des Français dans le Monde, on se posait la question de savoir l’impact que ça pouvait avoir pour les Français de l’étranger.
Ces Jeux Olympiques qui ont quand même été très réussis. Cette particularité française, est-ce qu’on peut dire que du coup, la francophonie, c’est vraiment un truc de la France ? Pas seulement, les pères fondateurs étaient aussi africains ou d’Asie, je pense à Nordam Sianouk et à Léopold Senghor, les principaux, les plus connus, donc c’est grâce à eux aussi que la francophonie est devenue ce qu’elle est aujourd’hui et qu’elle a pu aussi se structurer au niveau international depuis les années 80. C’est assez récent finalement, quand on parle de l’OIF, et tous les réseaux qui sont aujourd’hui à notre service et qui font qu’on a le français en partage, c’est aussi grâce à ces gens-là, grâce à ces gens-là qui n’étaient pas effectivement français au départ, mais qui étaient francophones. Si peut-être effectivement au départ il y a eu une volonté française de coordonner la francophonie, certes voilà, l’action de l’État français elle est importante en termes financiers, en termes de volonté, puisqu’il y a quand même un aspect agir pour la francophonie, pour une influence, qu’elle soit culturelle, linguistique, économique ou politique.
Mais on voit quand même de nombreux pays se saisir de la francophonie. Il y a quand même l’Amérique du Nord, le Canada, Québec. Vous avez aussi plein de pays de l’Afrique qui agissent pour cela. Vous avez des universités francophones sur le continent africain. Ça n’appartient pas à la France, la francophonie.
Parfois on a tendance à penser cela et je pense que c’est aussi un des enjeux, c’est que où peut se situer la France au cœur de cette francophonie, alors qu’au moment où il y a quand même beaucoup de pays qui rejettent un petit peu le passé qu’on a en commun et d’où vient cette francophonie. Donc voilà, je pense qu’il y a des nouveaux équilibres à trouver en fait. Alors si vous voulez aller plus loin, je vous mets le lien qui est disponible sur le site du Think Tank, la France et le monde en commun. Vous pourrez le découvrir. Merci à Anne, merci à Philippe.
Vous serez au sommet pour voir un peu les décisions et les initiatives qui seront prises. Ce sera du concret ? Nous serons à l’écoute. Nous serons à l’écoute et attentifs à ce qui se passera pour effectivement rendre compte, très volontiers, à ton antenne quand tu le souhaiteras. Merci beaucoup.
Merci. Dieu sait que nous, on défend la francophonie aussi bien en en parlant toute la journée ou en l’écoutant aussi. C’est aussi important, la culture qui se diffuse par la musique. Merci à tous les deux. Au plaisir de vous retrouver.
Merci beaucoup.
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Podcasts à ne pas louper !