Elle Jauffret présente son roman « Threads of Deception »

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Dans cet épisode de « 10 minutes, le podcast des Français dans le monde », Gauthier Seys s’entretient avec Elle Jauffret, une écrivaine française qui partage son parcours fascinant de Toulon à la Californie. En explorant les défis et les transformations liés à la vie d’expatriée, Elle raconte comment un coup de foudre avec un militaire de la Navy a bouleversé sa vie, l’entraînant dans une aventure transatlantique. Elle aborde les complexités de s’adapter à un mode de vie nomade en tant que femme de militaire, tout en jonglant avec les études de droit pour obtenir l’équivalence nécessaire à la pratique aux États-Unis.

Elle Jauffret, autrefois connue sous le nom de Laetitia en France, est une écrivaine et juriste qui a su naviguer entre deux cultures. Après avoir grandi à Nice et obtenu un DEA de droit, elle s’est installée aux États-Unis, où elle a dû s’adapter aux particularités du système juridique américain. Elle a travaillé pour le procureur général de Californie, alors dirigé par Kamala Harris, avant de se lancer dans une carrière d’écrivaine. Avec une passion pour l’écriture née dès son plus jeune âge, Elle a publié son premier roman en anglais, une langue qu’elle considère comme sa langue de travail et d’adulte.

L’épisode explore les défis et les opportunités liés à la mobilité internationale, en se concentrant sur le parcours unique d’Elle Jauffret. L’écrivaine discute de son dernier roman, « Threads of Deception », qui raconte l’histoire d’une femme américaine confrontée au syndrome de l’accent étranger après un choc traumatique. Ce syndrome, bien que rare, soulève des questions sur l’identité et la perception. Elle Jauffret partage également son expérience de l’écriture en anglais, les différences culturelles entre la France et les États-Unis, et ses réflexions sur la métissage culturel. L’épisode offre un aperçu captivant de la vie d’une expatriée qui a su transformer ses défis en opportunités créatives.

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https://ellejauffret.com/

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Podcast n°2326 (Octobre 2024) produit par www.FrancaisDansLeMonde.fr, 1ère plateforme multimédia pour ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Ecoutez nos radios et nos podcasts « Expat » en installant l’application mobile gratuite.

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Retranscription de l’épisode :

Voici 10 minutes, le podcast des français dans le monde, pour aider tous ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Je suis Gauthier Seyss et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Elle Geoffray, écrivain. On part en Californie. 10 minutes, le podcast des français dans le monde. françaisdanslemonde.fr Lorsqu’elle était française, on l’appelait Laetitia.
Mais les Américains ne sachant pas dire Laetitia, elle a officiellement changé de prénom. Elle s’appelle Elle désormais, juste la première lettre de son ancienne vie. Bonjour Elle ! Bonjour Gauthier, merci de m’avoir. Merci d’avoir accepté notre invitation.
On va parler de ce roman qui vient de sortir, mais avant, on va se promener dans ta vie, l’histoire de ta vie qui commence à Toulon. En fait, si je comprends bien, toute ta vie aurait dû se passer en France, logiquement. Oui, logiquement. Mais la vie, ce n’est pas toujours logique. Oui, tout à fait.
Tu grandis à Nice, tu fais tes études de DEA de droit, et puis tu vas tomber amoureuse d’un Américain. Il fait une escale, c’est un beau militaire de la Navy. Tu te retrouves à une soirée, tu montes sur le bateau, tu le rencontres et coup de foudre. Voilà. Ça fait cliché, mais c’est vrai.
C’est tout à fait ce qui s’est passé. Alors du coup, il va t’emmener avec lui aux USA. Et alors là, tu vas avoir l’occasion de découvrir le pays parce que quand on est femme de militaire, on bouge tous les deux ans. Oui, c’est assez stressant. Les gens ne comprennent pas.
Et ce n’est pas parce que je voulais déménager. Et même si c’est intéressant de visiter différents états, mais c’est chaque fois de reconstruire sa maison, de refaire des connaissances, ses voisins, sa communauté. C’est assez épuisant, mais intéressant aussi. Et puis, il y a deux enfants qui vont arriver sur le chemin, donc il faut s’en occuper. Monsieur est souvent parti.
C’est quand même pas une vie banale. Oui, c’est pas banal. C’était pas banal pour moi, mais pas banal pour le reste du monde. Alors tu te dis qu’il faut quand même que tu travailles, tu es juriste, donc tu vas retourner en fac de droit pour avoir l’équivalence. Et puis, ce qu’il faut savoir, c’est que les USA, ça veut tout et rien dire.
Quand on veut être au barreau, il faut passer le barreau dans l’État où on se trouve. Donc tu vas faire le barreau en Californie. Oui, exactement. Et si tu devais déménager, tu pourrais plus pratiquer dans l’État à côté. Faudrait recommencer.
Non, il y a certains états qui font des réciprocités, mais c’est très rare. Mais nous, on allait de la côte Est à l’Ouest ou Midwest. Donc non, il n’y avait pas d’équivalence. Ça a été de reprendre les études comme ça et de se faire… Parce que ce n’est pas le même droit.
On n’est pas dans le même univers en termes de droit. Non, et c’est intéressant parce que quelquefois, il y a des choses qui sont très choquantes, qui pour nous, en français, ce qu’ils font, c’est du sens commun. Mais au niveau américain, c’est presque, c’est vraiment une langue étrangère, mais au niveau du procès intellectuel. Donc, c’est très intéressant. Mais c’était un beau challenge.
En plus, nous, Français, on connaît un peu le droit à travers les films américains, donc on connaît ce droit là. C’est vrai qu’il est quand même très différent du nôtre. Oui, et il n’y a pas le même respect des libertés parfois. Il y en a plus, quelquefois il y en a moins. Et le droit est très flexible ici.
Donc c’est intéressant. Les juges en fait font la loi la plupart du temps. Alors là, tu vas bosser pour le procureur général de Californie. Il s’avère que cette dame s’appelle Kamela Harris. Oui, c’était intéressant parce que pour moi, je n’avais aucune idée qu’elle viendrait vice-présidente.
Mais oui, c’était le boss de mon boss. Donc, on n’était pas dans le même building parce qu’elle travaillait à Sacramento et moi j’habite à San Diego. Mais à chaque fois qu’elle faisait une visite, c’est l’atmosphère du building, de l’immeuble entier, du travail. Il y avait comme un shift, il y avait cette énergie incroyable. Alors au moment où on enregistre, nous sommes le 24 octobre, il est 16h20, heure de Paris.
Les Américains sont en train de voter. Toi, par exemple, tu as déjà voté en envoyant par courrier ton vote. Oui, depuis la pandémie, la Californie est très socialiste, en fait, de mentalité et de politique. Et en fait, ils voulaient être sûrs que les gens pouvaient voter pendant la pandémie. Donc, maintenant, automatiquement, ils envoient un ballot pour pouvoir voter.
Donc, on peut voter, l’envoyer par le courrier ou le déposer à la bibliothèque publique ou voter en personne. Donc, ce choix permet à tous les électeurs de pouvoir avoir un choix et de pouvoir avoir leur choix respecté. Et donc au moment où est diffusée cette interview, l’Amérique s’apprête à avoir un nouveau président. On ne sait pas encore qui ce sera, donc tu as peut-être travaillé avec la présidente des Etats-Unis. Oui.
À la limite, ce ne serait pas plus mal si c’était elle. Ça serait la meilleure solution, je pense. Très bien, c’est noté. On va voir le futur. Au moment où ça va être diffusé, ce sera résolu.
En l’occurrence, une famille, des déplacements, tout ça fait qu’à un moment, tu vas vouloir lâcher un peu la pression. Tu vas ouvrir ton propre cabinet, tu vas travailler à ton compte et puis tu vas reprendre une passion depuis toujours, l’écriture. Tu as écrit en sixième ta première histoire, donc tu as toujours été passionné par l’écriture. Oui, j’ai découvert Ray Bradbury, et le niveau science-fiction, mais aussi les issues sociales, mais représentées sur une forme littéraire, j’ai trouvé ça fantastique. Donc oui, j’ai écrit ma première histoire, c’était une histoire d’horreur, c’est intéressant.
J’adore la tradition orale, mais ma mère était institutrice, donc j’ai toujours eu beaucoup de livres à la maison, elle lisait énormément, ma grand-mère lisait énormément. Pour moi, les histoires écrites ou orales, c’est le cœur d’une culture et c’est une passion personnelle. En 2004, tu écris ton premier roman. Petite question en passant, tu écris tout ça en français ou en anglais ? J’écris en anglais.
Les gens sont parfois surpris, mais comme l’anglais, c’est ma langue de travail et ma langue d’adulte, si je puis dire. Mais aussi au niveau du marché, le marché le plus important dans le monde pour vendre, c’est l’anglais, donc c’est beaucoup plus facile. Et la grammaire française est beaucoup plus facile. Par contre, à la maison, on parle français avec les enfants et même le mari, tu l’as mis au français. Oui, il a commencé, donc un peu.
On ne peut pas avoir des conversations philosophiques, mais on commence. Mais oui, les enfants, le français, c’est la langue du cœur. À part quand je suis en colère, je jure en anglais. Et quand on est franco-américain, son cœur balance de quel côté ? C’est très différent.
C’est vraiment, c’est impossible. C’est quand tu as un enfant, tu vas avec papa ou maman quand les parents divorcent. Donc c’est vraiment difficile, bien sûr au niveau… L’affectif est vraiment différent, mais c’est tellement tessé ensemble, donc c’est vraiment difficile de faire une différence. Et justement, métisser ces cultures, on est quand même très différents entre l’Europe, la France en particulier, et les USA et la Californie en particulier.
C’est facile de mêler les deux cultures ? En fait, quand j’habitais sur la côte Est, et même dans le Midwest, à Chicago, la différence n’était pas énorme. Je pense que pour moi, la différence était vraiment quand je suis allée en Californie, parce que l’Est des États-Unis, au moins le Nord-Est, est très européen, Chicago aussi. En tant que Français, je suis à l’heure, j’ai des attentes au niveau de la courtoisie, les manières sont très… j’ai des attentes, oui, au niveau des manières, et que les gens ne sont pas toujours…
n’ont pas les mêmes attentes, si je peux dire. Et je suis très professionnelle, et je crois qu’en France, surtout le vouvoiement ou les choses comme ça, ça nous met dans un contexte professionnel tout de suite quand on rencontre des gens. Et ici, il y a une certaine… pas un laxisme, mais une certaine détente, mais même au niveau professionnel, donc j’ai dû m’habituer mon patron, il fallait que je l’appelle Jerry, enfin, appeler mes patrons par monsieur. J’ai dû m’habituer et c’était vraiment un apprentissage.
Et puis, juste une petite question de chauvinisme. Si tu dois retenir une gastronomie, tu retiens la gastronomie française ou la gastronomie californienne ? C’est même pas une question ! Au niveau de la gastronomie, il n’y a aucune… La façon dont on s’habille, les manières, la gastronomie française…
Oh oui, je suis française à 100% ! Tu as regardé la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ? J’ai vu quelques… Oui, mais pas en direct. Mais oui, et à niveau…
Ce que j’adore dans la France, c’est que je me souviens, grandissant en France, l’important c’est de… On était toujours attirés par ce qui était différent de nous. Tandis qu’aux Etats-Unis, les personnes veulent des gens qui sont comme elles-mêmes. Tandis qu’en France, on veut découvrir l’étranger dans la lecture ou l’apprentissage à l’école, on est citoyen du monde. Tandis qu’aux Etats-Unis, et surtout en Californie, les gens se regroupent quand ce sont les mêmes.
Donc il y a des petites cliques comme ça. Et j’aime le côté français de vouloir connaître l’étranger, de pouvoir grandir, d’apprendre des choses nouvelles. Ce côté un peu aventurier, téméraire, qui est très français. Les Américains sont très français aussi au niveau des informations, des inventions et l’entrepreneuriat. Mais ce côté français de cette soif de l’étranger et de la différence que j’apprécie énormément.
Ça, c’est sûr qu’on a vu la différence dans cette cérémonie. C’est clair. Alors maintenant on va parler de ton premier roman, édité, qu’on peut trouver en cliquant sur le lien dans ce podcast. L’histoire d’une jeune femme américaine qui va subir un choc et elle va se réveiller avec le syndrome de l’accent étranger. C’est mon 2326ème portrait interview.
Je n’avais jamais entendu parler de ce syndrome dix ans, mois plus. C’est rare, mais ça existe. C’est lorsqu’une personne a vécu un trauma physique, mais aussi peut-être aussi émotionnel, le cerveau mal fonctionne et ne peut pas prononcer certaines lettres, certains sons. Donc quand la personne parle, elle parlerait avec des sons différents, ce qui pour les autres, pour les gens qui l’écoutent, à le son d’un accent étranger. Donc c’est un syndrome vrai, réel, qui est arrivé.
Je crois que l’une des premières fois que c’est arrivé, c’est une femme qui avait un accent allemand, mais elle était du côté des alliés et ça lui a causé beaucoup de problèmes. Donc oui, elle se réveille là. J’ai voulu donner à mon personnage principal un accent. Je voulais la faire très américaine, mais avec un accent. comme ça, elle pouvait bouger dans le monde, mais aussi être prise pour une étrangère.
Et je voulais que les gens sachent que la façon dont on parle quelquefois peut avoir beaucoup de conséquences sur la façon dont on est perçu. On repère d’ailleurs, quand tu te promènes dans les magasins en Californie, on repère que tu es une Française ? Quand j’ouvre ma bouche, oui.
Alors, le roman s’appelle Thread of Deception, qu’on pourrait traduire un peu par le fil de la déception, parce que c’est avec une couturière derrière, donc c’est un petit jeu de mots, le titre. Oui, tout à fait. Oui, Thread of Deception, c’est vraiment une expression aussi en anglais, quand il y a un Thread of Deception, c’est-à-dire qu’il y a un passé de mensonges et de tromperies. Ça y est, le livre est sorti. Ça fait quoi de le livrer aux autres ?
C’est une sorte de relief. C’est excitant, mais aussi, ça fait un peu peur de savoir que les gens vont lire mon histoire. Donc, je suis très excitée et heureuse de pouvoir partager mon histoire avec le monde. Mais bien sûr, on sait toujours qu’il y a des critiques. Donc, il y a toujours ce côté self-conscious, comme on peut dire, qui existe.
Mais oui, je suis contente. C’est un « dream come true », donc un rêve devenu réalité. Eh bien, félicitations. Elle s’appelle Elle Geoffray. Le livre Threads of Deception, le lien est dans ce podcast.
Je te souhaite le meilleur. Je suppose que ce sera le premier d’une grande série. Oui, trois livres garantis et puis peut-être plus. J’ai beaucoup plus d’histoire de côté, donc oui. Et espérons peut-être une série à la télé.
Eh bien, pourquoi pas ? T’es pas très loin de Los Angeles, donc tu vas bien trouver un producteur. Oui, voilà. Espérons. Merci d’être venue vers moi et on salue au passage Julie Ripoll qui nous a mis en relation.
Et si on est ensemble aujourd’hui, c’est grâce à elle. Donc, il faut rendre à César ce qui appartient à César. Merci. Belle journée. À bientôt.
Merci. Au revoir.
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