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Avez-vous déjà envisagé de tout quitter pour vivre à l’étranger ?
Dans cet épisode captivant de « 10 minutes, le podcast des Français dans le monde », en partenariat avec l’association Français du Monde ADFE, nous partons à la découverte de la vie de Benjamin Joineau, un Français installé en Corée du Sud depuis près de trois décennies. Originaire de Bordeaux, Benjamin a d’abord poursuivi ses études à Paris avant de se retrouver, contre toute attente, en Corée du Sud pour effectuer son service civil. Ce choix imposé par le hasard a marqué le début d’une aventure extraordinaire qui l’a conduit à embrasser la culture coréenne et à s’y établir définitivement.
Benjamin Joineau est un homme aux multiples facettes. Après avoir étudié la philosophie et les lettres classiques, il s’est tourné vers l’anthropologie avec une spécialisation en études coréennes. Sa passion pour la culture coréenne l’a amené à enseigner à l’université et à maîtriser la langue du pays. Entrepreneur dans l’âme, il a également ouvert le premier bistrot français de Séoul, offrant une expérience culinaire unique aux habitants de la ville. Aujourd’hui, Benjamin est également éditeur avec son projet « L’Atelier des Cahiers », qui publie des livres sur la culture coréenne, et il s’implique activement dans la communauté française en tant que conseiller des Français de l’étranger.
Cet épisode explore en profondeur l’intégration de Benjamin dans la société coréenne et les défis qu’il a rencontrés en tant qu’expatrié. Il partage ses réflexions sur l’évolution de Séoul, une ville en constante mutation, et sur la manière dont la Corée du Sud a utilisé le soft power pour se faire une place sur la scène internationale. Benjamin évoque également son engagement à construire des ponts culturels entre la France et la Corée, tout en maintenant un lien fort avec ses racines françaises. Une écoute inspirante pour quiconque s’intéresse à la vie à l’étranger et à la richesse de la culture coréenne.
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Chapitrage de l’épisode :
0:00:01-Introduction et Accueil de Benjamin
0:00:31-Retour sur les Origines de Benjamin
0:00:47-Découverte Inattendue de la Corée du Sud
0:02:12-Premières Impressions Positives de la Corée du Sud
0:03:19-Intégration à la Culture Coréenne
0:04:00-Début de Carrière Universitaire en Corée
0:04:45-Ouverture du Premier Restaurant Français à Séoul
0:05:34-Les Débuts de L’atelier des Cahiers
0:06:39-L’Impact du Soft Power Coréen
0:08:00-Vie Quotidienne à Séoul
0:09:49-Défis et Réalités de la Vie en Corée
0:10:27-Engagement Associatif et Lien avec la France
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Et si je vous emmenais à Séoul, direction la Corée du Sud, j’y vais pas très souvent, mais là on va en savoir beaucoup plus sur ce français installé là-bas depuis 29 ans. Bonjour Benjamin ! Bonjour. Merci d’être sur la radio des Français dans le Monde en partenariat avec Français du Monde à DFE. On a l’occasion de se promener sur la planète.
Si tu veux bien, on revient en France pour commencer. Tu es originaire de Bordeaux. Tu vas vivre 17 ans dans cette jolie région avant de monter faire tes études à Paris. Et en 94, tu dois faire le service militaire. Ça, c’était pas une passion.
T’avais pas très, très envie d’y Non. Je dois te l’avouer, j’étais à Paris en train de faire des études qui me plaisaient, entouré d’amis. Et comme à l’époque, c’était encore un service obligatoire pour tous les garçons, j’avais demandé à au moins pouvoir faire un service civil à l’étranger et j’avais été accepté. Malheureusement, on ne choisissait pas le pays. Et j’ai été donc surpris un jour de recevoir une lettre du ministère qui m’envoyait en Corée du Sud, pays qui était très méconnu à l’époque en France.
et donc j’étais plutôt déçu, je dois avouer. Alors tu vas faire ce qu’on appelle à l’époque un CSN1, c’est parti pour deux ans dans un pays, alors il faut se replacer en 94, il n’y a pas internet, il y a deux bouquins que tu trouves sur la Corée du Sud et qui ne décrivent pas un truc de fou. Non, effectivement, j’ai un malfou à trouver en librairie des ouvrages sur la Corée récents. Je trouve finalement un guide de voyage, ce devait être le Lonely Planet, qui était très négatif à l’époque sur le pays. Donc, c’était assez bizarre de trouver un guide qui, en fait, ne vous invitait pas à aller voir le pays.
Quand même, quelque chose qui m’a trouvé, c’est que la veille de mon départ, je dis au revoir à un ami à une terrasse parisienne de café et je vois un livre qui est abandonné sur un banc devant moi et en partant, je le ramasse.
franco-coréen, donc la probabilité de trouver un tel bouquin en 94, le jour où je pars ou la veille du jour où je pars, là je me suis dit il y a peut-être quelque chose qui va se passer. Il n’y a pas de hasard. Tu avais l’idée d’un pays avec des usines géantes made in Coréa, tu ne savais pas trop, on sortait quand même d’une période qui était difficile, un président avait tout juste été élu depuis un an, le pays commencer à s’ouvrir à la démocratie et y aller avec un peu les pieds de plomb. Et finalement, contre toute attente, quelques semaines sur place étaient surpris de façon positive. Et oui, je pense que ça, c’est l’aspect positif d’arriver sans trop de clichés culturels.
J’avais des clichés très généraux. La division Nord-Sud, on était en plein été 94 avec la mort du dictateur qui mit le son au Nord, donc il y avait des problèmes au niveau de l’arme atomique, etc. Donc on était un petit peu dans une situation de stress, mais je ne connaissais pas grand chose d’autre. Et tout ce que j’ai pu découvrir de positif dans ce pays, et il y en avait bien évidemment, était encore plus positivement perçu, je pense, puisqu’il n’y avait pas d’attente particulière. Et donc, ça a fait que je suis tombé très rapidement amoureux de la Corée et de sa culture.
Et ce dictionnaire t’a servi tout de suite. Tout de suite, parce que je me suis dit, il faut que j’apprenne cette langue. Et ce que j’ai fait, donc ça m’a pris du temps, mais je me suis effectivement mis à l’apprentissage de la langue sans savoir que je resterais. Quelques années plus tard, j’ai senti que j’avais envie de changer ma discipline d’études. Moi, je faisais de la philosophie, des lettres classiques.
Et puis, j’ai décidé d’étudier l’anthropologie et en particulier en études coréennes. Donc j’en ai fait après ma spécialité. Donc inutile de te dire qu’aujourd’hui, tu parles coréen mieux que personne. Pas mieux qu’en coréen mais je me débrouille pas mal puisque maintenant je fais aussi mes cours à l’université effectivement en coréen donc ça m’a obligé à faire plein plein de progrès. Donc tu vas en effet bosser en université et puis tu restes contre toute attente en Corée du Sud.
Un jour tu te dis bah je changerai bien et tu vas partir dans un autre domaine on peut le dire, tu vas ouvrir le premier resto français de Séoul. Oui, j’ouvre le premier bistrot tenu par un Français et sans aucune expérience parce que je sens que je patine un petit peu à l’université, qu’à l’époque, il n’y a pas de possibilité de titularisation. Donc je me dis, soit je rentre en France pour faire une vraie carrière, soit je reste, mais je fais quelque chose de très différent qui va me donner une liberté et une autonomie. Et donc j’ai ouvert un restaurant et j’ai eu la chance des débutants et ça s’est très bien passé. On a fait avec mon associé plein de choses pendant 15 ans et on s’est bien amusé.
On écoutait de la chanson française, on buvait du pastis. Voilà, du bon vin, de la bonne cuisine. J’avais un chef et un sous-chef français et donc on a eu des équipes super et plein plein plein d’aventures. On a fait de la télé, on a fait des livres de cuisine, on a fait une émission de cuisine, on a fait plein de choses. La Corée, en plus, c’est un pays, ce sont les années où la Corée peu à peu monte sur la scène internationale avec ce qu’on a appelé la vague coréenne, la Hallyu, qui débute alors.
et on sort sur cette vague et donc il y a une atmosphère extraordinaire et plein d’opportunités viennent à nous, les expatriés installés à Séoul à cette époque. Il y a combien de français expatriés installés en Corée du Sud ? Alors actuellement, avec l’afflux de jeunes français, on est entre 5000 et 6000. Tous ne sont pas inscrits, donc c’est difficile d’avoir les chiffres exacts. Mais à l’époque, on n’était pas plus de 3000.
La communauté a doublé ces années-là. Alors passionné des livres, tu vas monter une association, un projet collectif qui s’appelle l’atelier des cahiers. Et depuis, en quelques années, tu vas éditer plus de 80 livres, des romans, des essais, des guides de voyage, etc. Avec quelques succès, d’ailleurs. Oui, on était une petite structure amateur au début, puis on s’est professionnalisé.
Là, on est distribué, diffusé, etc. Et puis pareil, on a bénéficié de cette vague coréenne, l’intérêt énorme que l’on a en France pour la Corée dans tous les domaines, pas que la K-pop, mais aussi le cinéma, la littérature, etc. Et donc, certains de nos livres sont effectivement des livres qui se vendent bien et sur la longue durée. Et c’est vrai qu’on bénéficie de ce moment très particulier, d’un intérêt grandissant pour ce pays, cette culture en France. Tu viens de citer la K-pop, c’est vrai qu’il y a une stratégie du pays de parler de, via la culture, via le cinéma, la musique, etc.
Et ça fonctionne plutôt pas mal du tout. C’est une success story, c’est devenu un peu même un cas d’école, cette utilisation du soft power pour faire passer un pays qui avait une image assez absente, voire négative, qui peut après être devenue une grande puissance, donc un pays développé, on dit qu’elle la pourrait être 10e ou 11e puissance mondiale et surtout lui donner une existence, une visibilité sur la scène internationale puisqu’il y avait ce déficit d’images. Et ce soft power a créé une image très sexy, très dansante, très fun, très pop, très violente aussi par ses séries. On a tous certainement vu Squid Game l’année dernière sur Netflix. Donc voilà, c’est une image qui s’est créée avec l’aide bien évidemment du gouvernement Corain qui a été très actif.
On dit souvent qu’en Corée du Sud cohabite l’extrême modernité et puis un peuple qui a aussi une grande culture historique. Il peut y avoir une conjugaison des deux mondes. Il y a une conjugaison, mais je dirais que ce n’est pas une vraie dialectique qui unifierait les deux, c’est plutôt un choc. Et ce choc produit des étincelles, c’est ce qui fait que la culture coréenne et puis la société coréenne est si vivante, si parfois aussi traversée de paradoxes et de violences, violences symboliques ou réelles, mais aussi si séduisante. Et je crois que c’est ce choc entre ces deux aspects et de hyper-modernité d’un côté et tradition, comme tu le rappelles, qui fait que la Corée et les Coréens sont très attachants, même si pour eux, je pense que c’est un univers, un environnement assez difficile.
Il faut l’avouer. Tu as vécu à Bordeaux, tu as vécu à Paris et te voilà à Séoul. Qu’est-ce que tu peux dire pour les auditeurs qui nous écoutent sur toute la planète ? Comment c’est le quotidien à Séoul ? Ça vit, ça fait du bruit, on profite de la nature.
Parle-moi un peu de ton quotidien. Oui, c’est une ville qui est séduisante, qui a beaucoup changé dans le bien, ce que je ne pensais pas possible pour une mégapole. On est passé d’une ville de béton à une ville qui désormais fait plus face à ses montagnes, à ses ruisseaux, à ses forêts. On peut avoir une maison avec un jardin dans Séoul, ce qui est extraordinaire. même si bien sûr la vie est assez chère désormais.
C’est une ville qui ne s’arrête pas, donc on peut à tout moment faire ses courses, manger, boire un verre, etc. Et ça c’est très bien sûr enrichissant de vivre dans une ville aussi dynamique. Après c’est aussi une vie un petit peu difficile, comme on peut l’imaginer, comme dans la vie dans toutes les mégalopoles. où il y a peut-être une sorte de solitude urbaine, moderne. Il y a parfois des relations qui sont assez dures.
Il y a les deux qui coexistent et tout va dépendre de la manière dont tu te fais ta vie à Séoul. Avec le temps, je crois que j’ai réussi à faire une vie qui me convient. Mais c’est une ville pleine de challenges. Pour les jeunes français ou les moins jeunes français qui viennent en Corée.
C’Est. Vrai qu’il faut aussi savoir se faire son cocon et peut-être, alors ça va être peut-être un peu négatif ce que je vais dire, mais savoir rester quand on s’est fait ce cocon et peut-être savoir aussi partir parce que la Corée est un pays assez dur et donc qui peut être dur aussi pour les expatriés. C’est le podcast 1613, je suis avec Benjamin Joanneau. La question de la nourriture, puisque c’est un truc qui passionne les français dans le monde entier, comment ça se passe ? Parce qu’on a du mal à imaginer ce qu’on mange là-bas et est-ce que la nourriture française te manque ?
Maintenant, on trouve énormément de produits. J’ai eu la chance d’avoir un restaurant français pendant longtemps, ça me permettait de ne pas avoir de manque. Maintenant, on trouve de tout. De toute manière, la nourriture coréenne, qu’on commence à bien découvrir en France aussi, c’est quelque chose qui monte. La K-food, comme l’appellent les Coréens, en bon, en franguish, en conguish, c’est une gastronomie qui monte et qui est très intéressante.
C’est très chouette de pouvoir varier entre différents types de cuisine. Et puis ma dernière question, tu es également conseiller des français de l’étranger, président du conseil consulaire, tu es évidemment au sein de l’association français du monde ADFE, ça c’est une mission pour garder un lien avec la France qui te passionne ? Je crois que c’est un lien que je n’ai jamais quitté. On a créé une section ADFE avec un ami et collègue il y a déjà pas mal d’années, 27 ans. L’idée ça a toujours été, je crois inconsciemment, de faire le pont, le pont culturel entre France et Corée.
Et donc ce n’est pas parce que je me suis passionné pour ce pays et que j’y vis et que même je l’étudie et je travaille dessus que pour autant j’ai abandonné ma vie de citoyen français, j’ai toujours ma nationalité et je reste très concerné par ce qui se passe dans le monde et dans mon monde français également, que je représente un petit peu comme ça avec d’autres personnes à l’étranger. Merci beaucoup Benjamin depuis Séoul où nous étions, en Corée du Sud. Avec ma vie ailleurs, je voyage partout, c’est fantastique. Je sens comme un homme heureux d’être dans cette culture et d’en profiter au quotidien, ça se sent. Ça ne se passe pas mal, oui.
Merci, effectivement. À très vite, au plaisir. Au revoir.
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