Adélaïde Russell, psychologue : La dépression des ados expatriés

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Comment distinguer une simple déprime d’une véritable dépression chez les adolescents expatriés ?

Dans le cadre du dossier spécial « Les Ados & l’Expatriation » proposé par Francaisdanslemonde.fr avec le soutien des experts d’Expat Pro et le parrainage d’Expat Student, le Spécialiste des candidatures pour les universités au Royaume-Uni, en Europe et au Canada, nous abordons de la dépression des ados expatriés et comment les parents peuvent-ils reconnaître les signes de dépression chez leurs adolescents expatriés ? Avec la psychologue Adélaïde Russell, nous explorons les différences entre un coup de déprime passager et un épisode dépressif plus sérieux. Adélaïde partage son expertise sur les symptômes à surveiller et la durée à partir de laquelle il devient essentiel de s’inquiéter, soulignant l’importance de l’intensité et de la persistance des symptômes.

Adélaïde Russell, notre invitée, est une psychologue expérimentée qui accompagne de nombreux adolescents expatriés. Elle est reconnue pour son travail approfondi sur les défis psychologiques rencontrés par les jeunes vivant à l’étranger. Avec une approche bienveillante, elle aide les familles à comprendre et à gérer les complexités émotionnelles liées à l’expatriation, en particulier pendant l’adolescence, une période déjà marquée par de nombreux changements.

Au cours de cet épisode, nous abordons le modèle bio-psycho-social de la dépression, en expliquant comment des facteurs génétiques, psychologiques et sociaux peuvent se combiner pour influencer l’état mental d’un adolescent. Adélaïde met l’accent sur les signes d’alerte tels que l’isolement, la perte d’intérêt pour les activités autrefois appréciées, et les troubles du sommeil ou de l’alimentation. Elle offre également des conseils pratiques pour les parents, y compris l’importance de maintenir une communication ouverte et de chercher un soutien professionnel si nécessaire. Enfin, elle rappelle que la dépression est une maladie qui se soigne, et qu’avec le bon accompagnement, les adolescents peuvent retrouver leur équilibre.

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https://www.adelaide-russell.com/

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Chapitrage de l’épisode :

0:00:02-Présentation du Dossier
0:00:17-Sujet de la Dépression chez les Ados Expatriés
0:01:70-Différence entre Déprime et Dépression
0:02:131-Signes et Symptômes de la Dépression
0:03:234-Retrait Social et Traits Dépressifs
0:05:329-Durée des Symptômes et Warning
0:06:378-Rupture et Expatriation
0:07:433-Détection et Accompagnement Parentale
0:09:551-Importance du Soutien Social
0:10:603-Rôle Crucial du Professionnel de Santé
0:11:695-Communication avec l’Adolescent
0:12:760-Déstigmatisation et Importance du Soutien
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Transcription de l’épisode :

La Radio des Français dans le Monde présente le dossier spécial Les ados et l’expatriation parrainé par Expat Students, le spécialiste des candidatures pour les universités au Royaume-Uni, en Europe et au Canada.
La radio des français dans le monde en partenariat avec Expat Pro et le parrainage de l’Expat Students, je cite tout le monde, et bien c’est un sujet dans lequel on rentre en profondeur les ados et l’expatriation. Sujet important et d’autant que là, pendant dix minutes avec Adélaïde Russel, psychologue, on va parler du sujet de la dépression. On en parlait au Rantène il y a quelques instants. Bonjour Adélaïde. On se disait que ce n’était pas un sujet sur lequel on avait beaucoup de ressources, on ne trouve pas beaucoup d’infos sur internet.
C’est quoi ? Parce que c’est gênant d’en parler ? On va dire que c’est un aspect de la vie d’expat qui existe, qui n’est pas forcément systématique et répandue, mais on le rencontre, oui. Et aujourd’hui, on se parle sur ce sujet de la dépression. Un ado qui est mal dans sa peau, un ado qui vit en expatriation, qui est mal dans sa peau, ça, c’est relativement classique.
La dépression, c’est autre chose que de se sentir mal dans sa peau. Déjà l’adolescence, on a l’habitude de dire que c’est vraiment une période de remaniement physique, psycho, affectif. Donc, c’est une période où tout va changer chez le jeune. Il quitte l’état d’enfance, son corps se transforme, il rentre dans autre chose, dans un autre état. Il peut y avoir des moments de déprime, des moments passagers, de baisse d’humeur où ça ne va pas trop.
Ça, c’est tout à fait normal, ça fait partie du processus d’adaptation, spécialement si entre deux, il y a un changement de pays, il faut quitter, il faut se réinstaller. Ça peut être vécu dans la joie, mais il y a aussi des moments ça tiraille un peu. Donc au niveau de l’humeur, elle n’est pas toujours au beau fixe. Ça, c’est les moments de déprime, d’ajustement. En revanche, rentrer dans ce qu’on appelle un épisode dépressif, c’est encore un autre degré, une autre intensité dans le changement d’humeur.
Et on peut rentrer dans ce qu’on appelle une réelle maladie qui est la dépression. Pour les parents qui nous écoutent, comment on fait le distinguo entre un coup de déprime et une profonde dépression ? C’est une question d’intensité et de temps. C’est-à-dire qu’à un moment de déprime, l’ado change son comportement, il est un peu différent, mais au bout de quelques jours, grâce à l’entourage, grâce aux activités, ça va mieux. Quand un épisode dépressif va s’installer, l’enfant va avoir plusieurs expressions symptomatiques qui vont vraiment durer dans le temps, qui vont être là tous les jours, qui vont durer dans le temps pendant, on va dire, à peu près deux semaines de façon très consistante et très consécutive.
Donc là, il faut commencer à s’alarmer. Et de quels symptômes on parle ? Alors, il peut y avoir plusieurs choses qui vont se combiner. On parle de la dépression, d’un modèle bio-psycho-social, c’est-à-dire qu’il va y avoir des facteurs reliés plutôt à la génétique, des facteurs reliés plutôt au psychologique et des facteurs reliés au social. Il y a ces trois éléments-là qui se combinent.
Mais en général, la classification des troubles mentaux, ou le DSM ou la CIM, indique qu’il y a l’enfant peut avoir une humeur triste qui va commencer à s’installer. qui peut parfois prendre la tonalité un peu d’irritabilité, de colère. Il peut y avoir cette coloration-là aussi. Il va y avoir une grosse baisse de l’intérêt, du plaisir. C’est là où il y a un gros changement.
Les activités qu’il aimait faire, il ne veut plus les faire. On peut identifier un truc qu’il adore faire. D’un coup, il n’aime plus du tout. C’est un mauvais signe, c’est une mauvaise tendance. Oui, exactement.
Il va y avoir le facteur aussi dans la baisse de l’intérêt, il va y avoir souvent un retrait, un isolement, il va restreindre ses relations sociales, ça ce n’est pas bon signe, rester dans sa chambre, rester dans son lit trop longtemps, ça c’est un peu inquiétant, ou alors il va tout simplement exprimer qu’il a Il mobilise un effort incroyable pour faire des actions basiques du quotidien qu’il faisait si facilement avant. Donc là, il y a quelque chose qui va mettre en alerte. Au niveau de la physiologie, il peut y avoir des troubles du sommeil, des troubles de l’alimentation qui vont être perturbés, soit en trop, soit en moins. Et puis, il peut y avoir aussi une tendance à se dévaloriser. il va commencer à avoir des pensées un peu négatives en se jugeant, en se critiquant, en étant très négatif avec lui-même.
Il peut y avoir aussi une grosse difficulté à se concentrer, ça devient difficile pour lui, donc quand il y a une chute des notes par exemple, une incapacité à à performer au niveau du travail comme avant. Il y a un risque de découragement, de décrochage scolaire aussi. C’est un élément sur lequel il faut être en alerte. Et puis, la dernière chose, c’est lorsque l’enfant commence à exprimer des grosses questions existentielles, soit sur le sens de la vie et l’intérêt de la vie, soit dans le continuum plus important ou plus grave, des idées noires ou carrément des idées suicidaires.
tous ces éléments-là qui vont s’installer, qui vont durer, qui deviennent envahissants et qui, au bout de deux semaines, quoi qu’on fasse, quoi qu’on essaie, ne fartent pas. Là, il faut commencer à s’inquiéter. T’as carrément daté ça à 15 jours. Au-delà de cette période où ces symptômes se cumulent, il y a vraiment un warning qui s’allume. Oui, tout à fait.
Surtout qu’il y a un changement total avec une rupture totale avec son comportement antérieur. D’accord. C’est ce qui met en alerte. Adélaïde, en tant que psychologue et qui accompagne de nombreux adolescents expatriés, est-ce qu’il y a un symptôme supplémentaire pour l’ado expat ? Alors, spécifiquement non, mais quand même dans ce cas-là, l’ado va se débattre avec tout ce qui est une thématique autour de la rupture.
de ce qu’on a laissé, de ce qu’on a perdu, de ce à quoi il faut renoncer. Et je trouve que c’est des remaniements difficiles à faire au moment où ça se superpose avec le travail à faire de deuil de l’enfance. Ce qu’on dit à l’adolescence, c’est guérir de son enfance. Il y a du boulot, c’est difficile. Et quand en plus, effectivement, il y a un changement à ce moment-là, que ce soit une expatriation ou une impatriation, dans n’importe quel sens, ça devient compliqué pour Pour certains jeunes, ça ne va pas toucher tout le monde.
C’est intéressant de voir que dans une fratrie, il y a une variabilité énorme entre chaque enfant. Ça ne va pas toucher tout le monde, mais ça peut toucher un de ses enfants. Quand on doit monter à bord d’une voiture, on doit avoir un permis de conduire. Quand on devient parent, on n’a pas de formation particulière. Comment on découvre que ça va mal se passer ?
Comment on découvre qu’il faut faire quelque chose, qu’il faut l’accompagner, qu’il faut qu’il voit un psychologue ? Comment on le sait ? En général, on essaie quand même d’être un peu accompagné au niveau social autour de nous. On a quand même des amis, on a de la famille. On peut être amené à pas mal discuter pour savoir un peu comment faire.
On repère que chaque enfant est très différent, qu’il y a des tempéraments, des personnalités, des manières de fonctionner pour chaque enfant qui vont demander à chaque fois une attention peut-être plus spécifique sur certaines choses. Et après, c’est vrai qu’aujourd’hui, il y a quand même énormément de ressources pour aller chercher de l’information, aller trouver des réponses à certaines questions. Parce que tu disais en effet, des parents peuvent s’entourer d’amis, de famille, mais s’ils sont eux-mêmes expats, ils n’ont peut-être pas ces personnes sous la main aussi facilement que s’ils étaient dans leur pays d’origine. Le fait d’être un peu loin, ça peut renforcer un peu cette panique du parent. Oui, il peut y avoir ce côté-là, effectivement, où le facteur de connexion sociale est vraiment indispensable et très, très important.
Qu’on ait bougé ou pas, qu’on ait changé de pays ou pas, ça fait partie de notre survie en tant qu’être humain. Donc, c’est un besoin fondamental. Aujourd’hui, on peut quand même se connecter avec nos proches en visio et puis continuer à discuter. On peut aussi recréer des liens assez intenses et assez fortes quand on arrive sur place avec une communauté spécifique qu’on se recrée, mais on ne peut pas faire l’économie de se sentir seul. C’est-à-dire qu’au début, oui, on jongle et on doit arriver à composer, à négocier avec ce sentiment d’isolement qu’on va reconstruire petit à petit.
Et quand on est vraiment entré dans une dépression forte, l’aide d’un professionnel est obligatoire. Oui, surtout si on sent que l’enfant se met à risque. Aujourd’hui, dans la nouvelle génération, il y a le gros problème des réseaux sociaux qui vont amener les jeunes à soit trop s’isoler, passer trop de temps sur l’écran et à se mettre à risque. Il y a cet élément-là, si le jeune pratique dans sa détresse, commence à avoir des troubles un peu trop forts alimentaires, du sommeil, il peut y avoir aussi des actes d’auto… automutilation, il peut y avoir des idées, des envies de mort, des choses comme ça.
Tous ces symptômes-là doivent être extrêmement pris au sérieux. Et dans ces cas-là, il faut arriver à communiquer avec son enfant, mais surtout à lui expliquer qu’en tant que parent, on est responsable de sa santé et que ensemble on va faire des démarches pour l’aider à se soigner. Donc c’est tout de suite essayer de rencontrer un médecin qui va commencer à faire un suivi et puis évaluer l’intensité de l’épisode dépressif, on dit léger, modéré, sévère, pour en fonction de la situation donner une réponse adaptée, soit un suivi en ambulatoire, c’est-à-dire à la maison, soit une hospitalisation s’il y a un risque de danger imminent pour le jeune. Et le parent doit commencer à essayer d’entamer une discussion avec l’ado avant d’aller voir un psy, par exemple ? Oui, exactement.
C’est-à-dire que le parent doit commencer à exprimer sa préoccupation profonde, constater l’état de son jeune et puis exprimer sa sollicitude et son inquiétude et proposer des solutions. Même quand c’est difficile de communiquer avec l’ado parce qu’il refuse un peu d’entrer en communication ? Oui, même s’il est dans le refus, le rejet, l’isolement total. Effectivement, on peut envoyer un petit mot, on peut par texto, on peut écrire une petite lettre, on peut discuter. Il y a des moyens de dire je m’inquiète pour toi, je suis là, je veux que tu comptes sur moi, je veux te protéger.
Je te propose de faire ci, de faire ça. Et s’il ne veut pas, c’est quand même obligatoire d’aller chez le médecin quand on sent qu’il commence à sombrer. Et bien accompagné, c’est une maladie qui se soigne. Oui, la dépression tout à fait, on en sort. Donc, ce qui est intéressant et ce qui est important de savoir, c’est que dans la vie, rien n’est bloqué, figé.
La vie, c’est le mouvement, c’est le changement. Tout bouge, tout change tout le temps. Donc, c’est vraiment important de se dire, on traverse ça, c’est ponctuel, c’est temporel, c’est en ce moment, mais il y a plein de possibilités pour se soigner et passer à une autre chose. C’est un peu terrible, mais une personne sur cinq va vivre un moment de dépression dans sa vie. Donc c’est énorme.
Et oui, ce sont des moments qui se traversent et qui se soignent. Et aujourd’hui, il y a plein d’outils et beaucoup de supports possibles pour traverser cet épisode là et en sortir. Merci beaucoup d’avoir pris du temps. Tu es très occupé par ton métier que tu fais et on le sent quand tu en parles avec passion. Tu as pris quelques minutes pour répondre à nos questions.
Clairement, on est sur un thème qui est un peu un peu tabou, la dépression de l’ado. Oui, alors ça s’est un peu déstigmatisé depuis quelques temps, d’ailleurs depuis… cet épisode qu’on a tous vécu de pandémie avec un confinement, où là, il y a eu énormément de jeunes qui ont vécu des troubles anxieux et dépressifs. Et c’est quelque chose qui a pu s’ouvrir davantage, mais c’est vrai que ça reste encore un peu tabou, mais ça existe. Et une réalité, les jeunes doivent se sentir accompagnés, protégés et aidés par les adultes autour d’eux. Et c’est aussi pour ça que je tenais absolument à ce qu’on fasse un podcast sur ce thème.
Merci pour cet éclairage très efficace. Au plaisir de te retrouver. Bonne continuation. Je t’en prie, Gauthier. Merci.
Au revoir. les ados et l’expatriation en partenariat avec les experts du réseau Expat Pro. Dossier parrainé par Expat Student, le spécialiste des candidatures pour les universités au Royaume-Uni, en Europe et au Canada. expatstudent.fr.
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