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Avez-vous déjà envisagé de tout quitter pour vivre à l’étranger? Dans cet épisode de « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », Gautjier Seys accueille Isabelle Vansteenkiste pour discuter de son expérience unique en tant que française expatriée au Japon. À travers une conversation captivante, ils explorent les défis et les surprises de la vie à l’étranger, tout en offrant des conseils précieux pour ceux qui envisagent une mobilité internationale.
Isabelle Vansteenkiste, originaire de Paris, a suivi un parcours atypique qui l’a menée de la danse classique à l’écriture et au dessin. Son premier séjour au Japon a été motivé par un partenariat universitaire dans le domaine des scénarios et du dessin. Ce premier contact avec le pays du Soleil Levant a été marqué par des événements marquants, comme le tremblement de terre de Fukushima, et a nécessité une adaptation rapide à une culture et un mode de vie très différents.
L’épisode aborde des sujets variés, allant des tremblements de terre fréquents au Japon à la gestion de la pandémie de Covid-19, en passant par les différences culturelles entre la France et le Japon. Isabelle partage ses observations sur le décalage entre l’image moderne du Japon et certaines réalités plus traditionnelles, comme l’utilisation des fax et des tampons pour les documents administratifs. Enfin, elle évoque les enjeux sociétaux actuels, tels que la baisse de la natalité et les efforts du gouvernement japonais pour y remédier.
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00:00:01-Introduction du podcast et de l’invité 00:00:55-Parcours scolaire et carrière initiale d’Isabelle
00:01:76-Arrivée au Japon pour un partenariat universitaire
00:02:122-Expérience du séisme de Fukushima
00:03:218-Retour en France et nouvelle expatriation au Japon en 2020
00:04:260-Réactions et adaptations face à la pandémie Covid-19
00:05:348-Les JO de Tokyo et l’impact de la pandémie
00:06:396-Réflexions sur la population expatriée française au Japon
00:07:407-Isabelle, rédactrice en chef au Petit Journal Tokyo
00:08:459-Retard technologique et social au Japon
00:08:523-Impact de la culture japonaise à l’international
00:09:598-Défis de la natalité et travail des femmes au Japon
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Transcription de l’épisode :
Voici 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde, pour aider tous ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Je suis Gautier Saïs et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Isabelle. Isabelle, aide-moi, je ne vais jamais savoir dire ton nom de famille. Van Stenkist. Vous comprenez, c’est le petit journal Tokyo.
10 minutes, le podcast des Français dans le Monde. Français dans le Monde.
Et pourtant, je suis du nord de la France et pourtant, c’est un nom flamand. Je devrais pouvoir me lancer, mais c’est parce qu’il y a vraiment beaucoup trop de lettres. Isabelle, bonjour et bienvenue sur la radio des Français dans le Monde. Bonjour, merci de me recevoir. Je suis très content avec ce grand décalage horaire.
On a 7 heures entre Tokyo et Lille, dans le nord de la France. Ce qui fait que toi, c’est la fin de journée. Moi, c’est le début de journée. Ça m’épatera toujours autant. Si tu veux bien, Isabelle, on va revenir sur ton parcours.
Tu originaires de Paris, un petit tour en Bourgogne, mais tu retournes dans la capitale pour ta scolarité. Tu vas faire sport études en danse classique. Un rêve de petite fille ? Ah oui, un rêve de petite fille, mais voilà, pas si facile. Beaucoup de discipline, beaucoup de difficultés, beaucoup de…
de choses à apprendre dans le corps, mais aussi moralement, mentalement, je dirais. Mais ça m’a bien servi après pour la suite, justement, pour l’écriture, pour m’organiser en tant que freelance, par exemple. Alors, tu as travaillé dans le domaine des scénarios, du dessin, et c’est d’ailleurs dans ce cadre-là qu’il y a un partenariat avec une université au Japon. Et tu vas t’y rendre pendant neuf mois. Une jeune fille qui prend sa valise et qui part de l’autre côté de la planète.
Ça fait des parents inquiets, ça ? Oui, c’est le cas. Surtout qu’à l’époque, il n’y avait pas non plus toutes les applications sur téléphone, autant de moyens de communiquer. Je me rappelle que je n’avais pas de téléphone portable. Je n’avais pas de carte SIM pour communiquer.
Je communiquais seulement par mail avec ma famille à ce moment-là. Et puis, vous allez remarquer qu’Isabelle a toujours beaucoup de chance. Elle se retrouve juste dans le pays au moment où se passe le drame de Fukushima. Un tremblement de terre. Alors parlons d’un mot des tremblements de terre au Japon.
C’est classique. On a son téléphone qui te prévient et deux secondes après, la terre tremble. Oui, on a énormément de tremblements de terre. Au final, il y en a absolument tous les jours. C’est juste qu’ils sont microscopiques.
On ne les remarque pas. C’est des tremblements de terre qui sont à un ou deux sur l’échelle. Mais voilà, il y en a régulièrement des plus gros. Et alors quand on t’annonce sur ton téléphone qu’il y a un tremblement de terre possible, vous allez dans la salle de bain. Les salles de bain sont des espèces de coques un peu protectrices.
Oui, c’est ce qu’on m’a toujours dit, c’est mets-toi dans la salle de bain. Les salles de bain japonaises sont hermétiques, on s’y douche et on y prend le bain après s’être nettoyé. Et c’est donc une sorte d’ensemble comme ça qui va créer une bulle d’air. Nous on met notre sac de survie pas loin, comme ça on a juste à l’attraper peu importe là où on est et on se précipite dans la salle de bain pour attendre que ça se calme. Et les français, les médias français faisaient un ramdam incroyable sur la centrale de Fukushima.
Vous au Japon, alors que tu n’es qu’à quelques centaines de kilomètres de là, il n’y a pas de panique. Il n’y a pas de panique. Les Japonais sont très, je ne vais pas dire défaitistes parce que c’est un autre état d’esprit. Ils sont habitués. Ils savent que c’est comme ça et pas autrement.
Il y a un mot japonais pour dire ça. C’est shogunai. On n’y peut rien. Il faut aller de l’avant. Donc c’était plutôt un état d’esprit très calme et très pragmatique.
D’accord, that’s life. Voilà. Alors tu rentres ensuite en France au bout de cette expérience et là tu te dis que tu ferais bien une petite expérience, pourquoi pas un PVT en Nouvelle-Zélande. Mais l’amour va mettre sur ton chemin un franco-japonais, comme quoi décidément tout va te ramener vers le Japon. Il a une opportunité de travail et vous décidez de partir en couple en 2020.
C’est là que vous allez voir qu’Isabelle a beaucoup de chance. Bah ouais, 2020, on s’en souvient. Mars, pandémie, confinement. Alors là aussi, étrangement, plutôt tranquille. Plutôt tranquille parce qu’il n’y a pas d’obligation au Japon de respecter ce qui est demandé par le gouvernement.
Ce sont plutôt des recommandations que des obligations. Donc recommandations de porter le masque, recommandations de ne pas sortir de chez soi, de ne pas aller au restaurant. Mais au final, c’est des recommandations avec pression sociale. Tout le monde surveille son voisin, tout le monde observe si on met bien son masque, si on sort bien de chez soi au bonheur. Et donc finalement, tout le monde a respecté les obligations liées à tout ça.
Finalement, le Japonais, dans tous les cas, n’est pas très contact. Il n’aime pas trop ça. Les Japonais sont plutôt des êtres, des créatures solitaires. qui ne se mélangent que rarement. C’est très intéressant d’ailleurs quand on vient de la France, c’est quelque chose de très spécial, de très différent, ça fait un choc peut-être même un petit peu quand on a l’habitude de la bise.
Alors je sais que du coup ça a fait beaucoup parler pendant le confinement cette histoire de bise, qui allait revenir à la bise ou pas, qui aimait vraiment la bise. Mais mine de rien, on se serre la main, on fait la bise. Au Japon, on s’incline de loin et on se fait des petits coucous, même entre amis, pour se dire au revoir. Et c’est des grosses différences. Tu vas vivre les JO de Tokyo un peu morose puisqu’il n’y a pas de public.
Alors qu’on s’attendait à ce que ces JO puissent être une ouverture sur le monde, c’est plus un repli qui va se passer. Les gens vont avoir peur les uns les autres. Je pense que ça a été le cas un peu partout. Je pense que c’était la même chose en France aussi. Il y a eu pas mal de réactions sur les personnes asiatiques en France.
On avait peur qu’elles viennent et qu’elles apportent le Covid. Au Japon, c’était cette idée que le Covid allait venir apporté par les étrangers, tous les étrangers sans distinction. Fermeture des frontières, grande peur de tout ce qui pourrait venir de l’extérieur. Et quand on a été obligé de voyager, je sais que nous on a eu de la chance, on a pu revenir au Japon avec par contre l’obligation de rester six jours dans un hôtel sans voir personne, à faire des tests le matin pour vérifier qu’on n’était pas contaminé, etc. Mais d’autres personnes ont eu encore moins de chance que nous, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas pu rentrer au Japon, donc des familles franco-japonaises se sont retrouvées séparées pendant plus d’un an parce qu’elles n’avaient plus l’autorisation de revenir sur le sol japonais.
On compte à peu près 15 000 Français expatriés sur le Japon. Alors, le chiffre n’est pas très précis. Il y a pas mal de couples. Et puis, il y a ces situations qui sont un peu douloureuses. Isabelle, on va profiter du fait que tu es journaliste freelance.
D’ailleurs, cette interview est réalisée dans le cadre du partenariat avec Le Petit Journal. Je m’amuse à me promener de rédaction en rédaction. Tu es la rédactrice en chef de l’édition Tokyo depuis avril 2021. Et tu te penches sur des grands sujets, les relations France-Japon, la santé mentale, le féminisme, les LGBT dans le pays. On se parlait hors antenne et moi, j’ai une image du Japon qui est sans doute très années 80.
Une image d’un pays moderne, dense, qui s’équipe très vite, etc. Et tu me dis, ce soft power est en décalage avec la réalité, parce que finalement, cette image de modernité, elle a pris du retard. Oui, tout à fait. C’est quelque chose aussi qui est très surprenant quand on arrive ici et qu’on reste un peu longtemps dans le pays. Je pense que c’est quelque chose qui est assez lissé quand on est visiteur, qu’on vient passer deux semaines, trois semaines dans le pays.
Quand on y reste et qu’on y travaille et qu’on vit au quotidien l’administratif, qu’on vit au quotidien beaucoup de petites questions comme ça pratiques, on se rend compte que le Japon est assez en retard sur énormément de sujets, qu’ils soient sociaux ou même simplement pratiques. Je te disais effectivement qu’ils ont encore des faxes pour transmettre certaines informations, ce qui est quand même assez incroyable, ou alors c’est des tampons. Tu es obligé d’avoir un tampon avec un seau, une sorte de seau familial en fait, avec ton nom de famille pour signer des documents, ce qui est quand même aussi assez incroyable. Et ça c’est quelque chose qui peut vachement surprendre quand tu arrives au début. Et en plus, ces dernières années, côté soft power, c’est plutôt leurs ennemis jurés, la Corée du Sud, qui est en train de prendre un peu le leadership.
Comment ils vivent ça, les Japonais ? Je ne sais pas s’ils se rendent compte vraiment de l’impact de la culture japonaise sur le monde. Comme on disait, ils sont assez fermés sur eux-mêmes. Ils ne sont pas très à l’écoute de la politique. Ils votent très peu.
Ils ont un taux d’abstention record. Ils ne sont pas très intéressés par ce qu’il se passe en dehors du Japon. Ils voyagent principalement à l’intérieur du Japon. Et donc ils n’ont pas vraiment conscience de cet impact du Japon sur les autres pays, notamment sur la France. Nous, nous avons chaque année la Japan Expo, qui est une énorme exposition à Paris sur la culture japonaise, notamment les mangas, les animés.
Et là, cette exposition française va pour la première fois aller au Japon. Elles vont faire une édition au Japon lors de l’exposition universelle de 2025, l’année prochaine. Justement pour pouvoir montrer aux japonais l’impact de leur culture sur la France, sur le reste du monde. Et je trouve ça assez marrant. C’est une île au bout du monde, ils peuvent s’isoler finalement de ce genre d’informations.
Cela dit, il y a quand même des vrais soucis. On parlait du fait qu’ils n’aimaient pas les contacts, mais au point qu’il y a une chute de la natalité qui devient vraiment sérieux. C’est un sujet du gouvernement. Oui, c’est un gros sujet sur lequel le gouvernement planche depuis pas mal de temps au final, mais il peine à trouver une vraie solution. Je pense qu’il cherche à faciliter peut-être les choses, mais pas de la manière que nous, on envisagerait, je pense.
Notamment, l’accès au travail pour les femmes n’est pas facilité ou l’accès au crèche quand les femmes travaillent, etc. Il y a plein de problématiques. Finalement, pour synthétiser un peu, on n’a pas forcément la bonne image de ce qu’est réellement la vie japonaise. Non. Et c’est pas une bonne ou une mauvaise chose.
Je pense que les surprises qu’on a en vivant ici sont aussi bonnes que mauvaises. Il y a beaucoup de bonnes choses. Ce que j’entends souvent de la part des expatriés français qui vivent longtemps au Japon, c’est que le pays par frais serait vraiment 50% japonais et 50% français. Il y aurait la propreté, l’ordre japonais, la discipline naturelle et l’esprit de communauté, plutôt l’esprit de corps japonais. Mais il y aurait aussi l’esprit d’initiative français, la créativité française.
Finalement, tu formes avec ton mari le couple parfait du citoyen du monde. C’est de la radio Isabelle, si tu fais des signes, les gens ne vont pas voir.
Elle était en pleine gloire. Merci beaucoup en tout cas pour ce témoignage. Merci d’être restée un peu plus tard pour réaliser cette interview. Et puis au plaisir de te retrouver dans les pages de l’édition Tokyo du Petit Journal. Merci !
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