Mohamed Bennani : Entre Casablanca et Paris, un cœur partagé

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Est-il possible de concilier deux patries avec un seul cœur ?

C’est la question que pose Gauthier Seys dans cet épisode du podcast « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde ». En partenariat avec Français du Monde – ADFE et en compagnie de son invité, Mohamed Bennani, il explore les défis et les opportunités qui se présentent lorsqu’on partage son cœur entre deux pays : la France et le Maroc. Le podcast invite les auditeurs à réfléchir sur la manière dont les identités multiples influencent notre perception du monde et notre engagement envers les sociétés auxquelles nous appartenons.

Mohamed Bennani, l’invité de cet épisode, est un professeur de sciences économiques et sociales basé à Casablanca, au Maroc. Originaire du Maroc, il a passé une grande partie de sa vie en France, où il a étudié à la Sorbonne et travaillé dans le secteur bancaire avant de devenir enseignant. Membre actif de l’association Français du Monde ADFE, Mohamed est également impliqué dans le monde syndicaliste. Sa riche expérience entre la France et le Maroc lui confère une perspective unique sur les relations entre ces deux pays.

Au cours de l’épisode, Mohamed Bennani partage ses réflexions sur les relations franco-marocaines, soulignant l’importance du partenariat économique entre les deux pays. Il aborde également les défis internes auxquels chacun fait face, tels que les inégalités sociales en France et le développement rapide des infrastructures au Maroc. Mohamed met en lumière les progrès réalisés au Maroc sous le règne du roi Mohamed VI, tout en reconnaissant les difficultés persistantes telles que le chômage des jeunes et les inégalités économiques. Grâce à son expertise, il offre une analyse nuancée des dynamiques socio-économiques qui façonnent ces deux nations.

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Chapitrage de l’épisode :

00:00:01-Introduction du podcast et de l’invité Mohamed Benani
00:00:22-Présentation de Mohamed Benani et son engagement avec Français du Monde ADFE
00:01:08-Arrivée de Mohamed en France pour ses études
00:02:35-Parcours professionnel de Mohamed en France
00:03:22-Comparaison des différents lycées en France
00:04:57-Réflexion sur les inégalités dans le système éducatif français
00:05:45-Enseigner à Casablanca et opportunité manquée à New York
00:06:45-Implication de Mohamed dans l’Association Français du Monde ADFE
00:07:55-Analyse des relations franco-marocaines actuelles
00:08:35-Développement des infrastructures au Maroc
00:09:58-Chômage et inégalités persistants au Maroc
00:10:08-Conclusion et remerciements
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Transcription de l’épisode :

Vous allez plonger dans une nouvelle histoire inspirante. Bienvenue dans 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde. Je suis Gauthier Saïs et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Mohamed Benani. On part à Casablanca, au Maroc. 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde.
Eh ben oui, parce que l’être humain n’a qu’un seul cœur. Alors quand on a un seul cœur, mais deux patries, on a un avis sur ces deux patries, la France et le Maroc. En perspective, j’utilise un professeur de sciences éco qui va répondre à mes questions dans le cadre du partenariat avec Français du Monde ADFE, dont Mohamed fait partie depuis un peu plus de dix ans. Bonjour, bienvenue, Mohamed. Bonjour.
Tu es sous le soleil de Casablanca. Avouons qu’entre tes études sous le ciel gris de Paris et ta vie aujourd’hui en tant que professeur au lycée français de Casa, le climat est quand même plus sympa à Casablanca. Oui, oui. C’est ce qu’il dit, je ne suis pas un fanatique du soleil. C’est vrai.
Ah merde, c’est incroyable. Sincèrement, pour être sincère, bon, le soleil, j’aime bien, mais la chaleur, pas trop. Et Casablanca, ce n’est pas une ville. Normalement, ce n’est pas une ville très chaude. Donc, c’est un climat océanique.
Donc, ça convient. Bien, alors on va revenir à Casambloca mais avant on va parcourir ton cursus et ta naissance. Au Maroc, tu vas décider de venir faire tes études en France. Tu as 17 ans, t’arrives tout seul avec ta valise et tu te lances donc dans ces études économie et gestion. Tu te souviens de ton arrivée ?
Oui, ben oui, ça fait quand même assez longtemps. Oui, oui, oui, ben ça, le premier jour, on l’oublie jamais. Ça, c’est clair. Oui, oui, c’était assez. Oui, j’étais heureux, mais en même temps triste de quitter la famille.
J’imagine. Et tu vas passer quand même une vingtaine d’années en France. Tu vas faire tes études, puis travailler dans le domaine bancaire. Et puis, tu vas t’intéresser au métier de professeur. Passe le concours pour devenir prof et tu vas exercer le métier en France.
Ces années françaises, qu’est-ce que tu as comme souvenirs aujourd’hui ? Beaucoup. D’abord, j’ai connu ma femme. Ah, important, on embrasse Chantal. Oui, voilà.
Deuxième chose, j’ai énormément appris. Comme j’ai dit, j’ai fait ma socialisation, une bonne partie de ma socialisation en France, des valeurs, des normes. que je n’avais pas, que j’ai apprises. Solidarité, partage, le pays des droits de l’homme, c’est très important. De la même manière, dans mon parcours, j’étais heureux pour mes études.
J’ai fait mes études à la Sorbonne, Tolbiac, puis après à la Sorbonne, des études d’économie et de finance. Puis après, je suis devenu banquier, j’ai travaillé dans une banque pendant longtemps, dans le service financier. J’ai énormément appris, puis après, Comme je t’ai dit, j’ai mis sur pied et je suis devenu prof en passant le concours le CAPES pour devenir prof de sciences économiques et sociales. Et ça m’a beaucoup, beaucoup marqué. Ce qui m’a marqué, c’est l’enseignement en France, donc à Paris et dans la région parisienne.
Mais l’année qui m’a le plus marqué, c’est que c’était l’année L’année du concours, j’étais sur trois lycées à Paris. Le lycée Jean-Baptiste C, le lycée Buffon et le lycée… C’est un lycée plutôt défavorisé. Et c’est un été extraordinaire parce que j’ai pu comparer les trois. Un lycée dans le 16e arrondissement, donc des élèves de milieux très favorisés et en même temps, François Villon, voilà le lycée François Villon dans le 14e.
Et pour ma matière, c’est extraordinaire. Ça veut dire qu’on voit comment se comportent les élèves venant de ces deux milieux. Je faisais une enquête entreprise et donc les élèves qui venaient de François Villon avaient ce qu’on appelle le capital social très élevé. Donc ils ont fait des enquêtes auprès d’entreprises très prestigieuses, WIG, TF1, etc. Et les élèves du lycée François Villon c’était plutôt Le Cordonnier du coin, il y en avait encore, et les piscines du coin.
Est-ce que l’école française construit des inégalités ? Est-ce que l’école construit des inégalités ? On le sait, il y a le phénomène de la reproduction sociale. Donc en France, on le sait très bien. plutôt c’est la sectorisation.
Donc on va dans un lycée par rapport au secteur qu’on habite. Habiter dans le 16e arrondissement, les catégories défavorisées n’habitent pas le 16e arrondissement ou le 8e. Mais ce qui est incroyable, c’est que je fais la comparaison avec ce qui se passe au lycée Lyoté. Le lycée Lyoté, c’est à peu près la même chose. Et donc, ce qu’on a au lycée Lyoté, ce sont soit des Français qui viennent au Maroc et donc ce ne sont pas des enfants d’ouvriers, c’est plutôt des cadres, des chefs d’entreprise, donc des catégories préfavorisées.
Et des Marocains qui vont à Lyoté, les Marocains jusqu’à présent, c’était plutôt aussi la catégorie favorisée. Il faut avoir les trois types de capitaux économiques, il faut payer, social, il faut le connaître, et culturel parce qu’il fallait passer un test. Donc il fallait vraiment être favorisé pour entrer là-dedans. Et donc ce que je vois, c’est qu’à La Canale, mon dernier lycée, il y avait des enfants de gardiens d’immeubles, il y avait des enfants défavorisés un peu. À Lyotté, je ne m’en ai jamais vu pratiquement pas.
Il n’y a pas de mixité sociale. Alors en effet, en 2000, tu vas te retrouver professeur dans le lycée Français Lyoté à Casablanca. Mais tu aurais pu être, au moment où on se parle, à New York. Ça faisait partie des possibilités. Oui, j’ai eu l’opportunité d’y aller.
J’ai eu l’opportunité, mais j’ai pas donné suite parce que c’était trop cher. Et le but n’était pas, comme j’ai dit, c’est pas le Maroc. Ça m’intéressait, mais c’était surtout aller enseigner à l’étranger. Alors, ton travail dans le monde socio-économique, les valeurs de solidarité, de partage, tout ça va t’amener à l’Association Français du Monde ADFE, il y a une dizaine d’années. T’es aussi très impliqué dans le monde syndicaliste.
Aujourd’hui, tu es secrétaire général de la section de CASA. Tu es au comité directeur du Maroc et Commission Conciliation Français du Monde ADFE. Ça te prend du temps, tout ça. Mais je ne dis pas que ça prend, c’est très agréable. On y va avec plaisir.
On va profiter du fait que tu aies ce regard économique avec, je l’ai dit au début, ce cœur qui se partage entre la France et le Maroc. D’abord, on sort d’une année importante pour nos relations franco-marocaines. Le président est venu avec une très grande commission. Tout le monde est reparti plutôt heureux, avec des contrats signés. Il était temps que les relations entre la France et le Maroc s’améliorent ?
Oui, ah oui, il était temps. Il y avait un blocage. Bon, la solution est venue, très bien, et donc les relations vont partir sur un très bon, je dirais, chemin. Vraiment, ces relations prennent la bonne destination. La France a toujours été le premier investisseur et le premier partenaire économique du Maroc.
À un certain moment, elle est passée en deuxième position après l’Espagne. Donc il y avait un certain nombre de blocages, blocages politiques, ça c’est sûr. Le Maroc a mis comme point de départ, c’est la question du Sahara. Le problème étant résolu, maintenant on va partir sur le Bromptier, voilà. En attendant, regardons un petit peu les deux pays.
La France aujourd’hui traverse une période et politique et économique assez compliquée, on va dire, au minimum. Alors que le Maroc est en train de grandir. Tu m’as dit, quand tu es arrivé à Casablanca en 2000, tu rentrais dans le tiers monde. Il y avait vraiment les infrastructures qui étaient abîmées, etc. Des bidonvilles.
Là, tu as vu le changement avec le temps. Oui, je dirais que là c’est plus en sociologie. Si on veut étudier quelque chose, d’abord on observe. La première chose à faire c’est observer. Et observer, c’est ne pas donner de jugement de valeur dès le début.
Donc, si je dois observer d’un point de vue vraiment objectif, ça a changé, énormément changé. Lorsque je suis venu, la première fois, je suis revenu en tant que détaché. Et donc là, je suis arrivé par Tangier. À Tangier, entre Tangier et la Caserne, c’était vraiment le tiers-monde. Vraiment le tiers-monde.
C’est ce qu’on appelait le tiers-monde. Bon, on met beaucoup de choses là-dedans. C’est-à-dire un pays où les infrastructures n’étaient pas développées du tout. Une route où on a mis peut-être 6 heures, 7 heures. Maintenant quand on vient, non, on ne voit pas vraiment trop la différence avec ce qui se passe du moins en Espagne.
Et donc les infrastructures ont été développées, énormément développées. Il y a eu Tangemed, il y a eu les autoroutes, un réseau d’autoroutes vraiment incroyable qui passe de de Tangier à Kaza, de Kaza à Oujda, de Kaza à Gadir, et le Maroc vient de terminer, la route à 4 voies jusqu’à Dakhla dans le sud, et donc c’est vraiment les infrastructures développées, les aéroports, l’effort et les communications, vraiment beaucoup, beaucoup. Il y a un effort extraordinaire. Du point de vue économique aussi, le PIB a augmenté. Il a été multiplié par deux, voire deux et demi depuis l’arrivée du roi Mohamed VI.
Donc beaucoup, beaucoup d’efforts ont été faits. L’avantage, c’est que ça a fait diminuer la pauvreté, le taux de pauvreté a baissé.
Ça c’est sûr, il y a eu la couverture sociale aussi, le problème c’est les difficultés qui persistent, le chômage, surtout le chômage des jeunes qui est très élevé. Bon, on va dire qu’il est autour de 14-15% et surtout, et pour les jeunes, c’est plutôt 20%. Et deuxième chose, bien que la pauvreté ait diminué, il n’en demeure pas moins que les inégalités restent élevées. Et le Maroc est connu pour ses inégalités, donc j’espère que ça va marcher. Merci en tout cas pour ce témoignage et pour cette vision de ces deux pays qui restent quand même très proches et très soudés.
Je te souhaite une belle journée. Au plaisir de te retrouver sur l’antenne de la radio. J’étais très heureux et vous faites un très bon travail. Merci beaucoup.
Merci.
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