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Cet épisode de « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde » se penche sur la disparition des Français qui sont en mobilité internationale : Gauthier Seys s’entretient avec Damien Véron, président de l’association ANTRED, au sujet de la disparition mystérieuse de sa sœur Tiphaine au Japon en juillet 2018. Damien partage les détails déchirants de cette expérience et les défis auxquels sa famille a été confrontée pour obtenir des réponses.
Damien Véron est paysagiste à Poitiers, mais sa vie a été bouleversée en 2018 lorsque sa sœur Tiphaine a disparu près de Tokyo. Passionnée par le Japon, Tiphaine Véron avait planifié un voyage de 15 jours pour explorer le pays. Cependant, elle a disparu le 29 juillet, quelques jours seulement après son arrivée. Damien et sa famille se sont rapidement rendus au Japon pour chercher des réponses, mais ils se sont heurtés à des obstacles bureaucratiques et à une enquête policière locale qui a laissé beaucoup de questions sans réponse.
L’épisode se concentre sur la lutte incessante de Damien pour retrouver sa sœur et sur la création de l’association ANTRED, qui vise à soutenir les familles de Français disparus à l’étranger. Damien évoque les efforts de la communauté française au Japon, la médiatisation de l’affaire, et les interactions avec les autorités françaises et japonaises. Il souligne l’importance de la mobilisation collective et de la médiatisation pour faire avancer les enquêtes et obtenir des réponses.
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Chapitrage de l’épisode :
Voici 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde, pour aider tous ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Je suis Gautier Seyss et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Damien Véron, président de l’association Entraide. 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde.
On retrouve Damien, son travail est paysagiste, il est du côté de Poitiers, mais sa vie a changé il y a quelques années, il y a 6 ans, lorsque sa sœur Tiffany a disparu au Japon. Depuis, il a décidé de créer une association, on en parle aujourd’hui sur l’antenne de la Radio des Français dans le Monde. Damien, bonjour ! Bonjour. Alors, merci d’être avec nous.
On va commencer, si tu veux bien, par replanter le décor de cette terrible histoire qui est arrivée à ta sœur. Ça se passe près de Tokyo. On est en 2018. Ta sœur, Tiffany, est une passionnée du Japon depuis toujours. Elle était même déjà allée dans le pays.
Tout à fait, Tiffany était amoureuse du Japon. Elle avait déjà voyagé en 2013 à Tokyo. Et cette fois-ci, elle souhaitait en 2018, donc juillet-août 2018, faire un voyage autour du Japon. Donc elle avait prévu un voyage de 15 jours. Elle était ravie à l’idée d’y aller.
Sauf que son voyage, malheureusement, a vite tourné court, puisqu’elle est arrivée au Japon le 27 juillet. Elle arrivait à Nikko le 28 juillet, la première étape de son voyage, et elle a disparu le 29. Donc ça a été, notre pauvre Stephen, ça a été son voyage assez brutalement arrêté et ça a complètement changé nos vies. Alors vous avez un groupe WhatsApp qui permet à toute la famille de rester connectée. Elle vous tient au courant.
En effet, elle arrive dans la capitale, puis elle va à Nico, qui est à peu près à 150 kilomètres de la capitale. Elle a une chambre d’hôtel. Voilà, là, elle vous écrit encore. Et puis le 29, plus de nouvelles. Du coup, vous vous inquiétez et vous réagissez assez vite, puisque vous allez décider de prendre avec tes frères et sœurs un vol.
Stanislas, Sybille et toi arrivez au Japon le 4 août, donc quelques jours plus tard seulement. Exactement. Nous, on a compris que quelque chose de grave s’était produit puisque l’objectif de Tiffen, c’était de nous faire partager son voyage via WhatsApp. Donc nous, du jour au lendemain, on n’avait plus aucun message, aucune vidéo, aucune photo. On était très inquiets.
Et le 1er août, l’ambassade nous prévient que Tiffen a disparu. Donc on est évidemment très, très inquiets. En plus, dans la continuité, on a l’ambassade, on a l’interprète de la police de Nikko, l’endroit où Tiffany a disparu, qui nous dit que non, elle n’est pas à l’hôpital et nulle part. Donc on part, on décide de partir très vite au Japon. Donc on arrive au Japon le 4 août.
Alors vous arrivez là-bas, la police vous accueille, va vous amener au bord d’une rivière. On va vous présenter un foulard. Vous savez que ce foulard n’est pas à elle. En gros, on vous explique que c’est un accident, qu’elle s’est noyée. Oui, c’est ça.
En plus, c’est très bizarre parce qu’ils ont l’air sûrs d’eux. Pourtant, quand on les avait eus au téléphone, ils nous expliquaient que c’est eux qui avaient d’abord évoqué la piste du kidnapping en nous demandant que ferait Tiffan si elle avait été kidnappée. Donc, on arrive et là, effectivement, le ton est complètement différent. Ils nous montrent un foulard, effectivement, près d’une rivière en disant que Tiffan est tombé, sauf que ce n’est pas du tout son foulard. Tiffan a voulu visiter les temples et les musées, donc en plus, elle n’est pas du tout intrépide, donc on ne comprend pas du tout où ils veulent en venir.
Dans la continuité, il nous présente à l’hôtelier qui avait accueilli Tiffen, qui lui a un comportement extrêmement étrange, très distant. On s’est dit « tiens, c’est étonnant, il a vraiment une attitude de coupable ». En fait, ça finit au commissariat de manière très abrupte puisqu’il nous redonne la valise de Tiffen en disant « rentrez chez vous ». il n’y aura plus rien, il n’y aura plus d’enquête. Ah ouais, c’est un peu dur.
À ce moment-là, on salue Laurent Pi qui est ambassadeur et la communauté des Français qui vit au Japon qui va prendre le relais. Vous allez avoir une vraie mobilisation des Français de l’étranger là-bas sur place. Oui, c’est grâce à eux, grâce à leur… Si vous voulez, en se mobilisant, ils arrivent à solliciter des médias japonais qui viennent le lendemain à Nikko. Alors que nous, on était démunis, en plus, on était sous logement, donc ça a été vraiment d’une violence inouïe.
Et en fait, par cette action, grâce à la communauté française, il va y avoir une médiatisation assez importante côté japonais et côté français. Ce qui fait qu’il va y avoir deux effets, c’est que tout d’abord, la police japonaise va avoir l’obligation de continuer à essayer de faire les choses, même si malheureusement, on voit que ça ne change pas, puisqu’ils ne font pas réellement d’investigation. Mais au moins, ça les contraint de nous recevoir. Et ensuite, Laurent Pic, que vous avez cité, qui a été d’une aide inestimable, vient à Nico. Quand vous avez un ambassadeur qui se déplace, ça impressionne.
Donc, par sa présence, on a pu avoir des réunions avec la police locale et on a pu poser les questions et dire, mais attendez, je ne comprends pas pourquoi vous insistez sur une piste accidentelle alors que ça peut très bien être une autre piste. Donc voilà, ça a permis vraiment de mobiliser les acteurs. Et de mettre en lumière avec les médias qui prennent le relais. Alors, il faut dire que le système n’est pas complètement le même. Il n’y a pas de juge d’intrusion.
Les recherches ne sont pas poussées de la même façon. Il y a en plus pas mal de disparitions dans ce coin-là, des gens qu’on retrouve dans des valises. C’est un endroit où il y a de sales histoires. Oui, parce qu’on ne comprend pas. Nous alors, le problème c’est que Tiffen nous le disait au téléphone et on n’arrêtait pas d’en parler, tout le monde disait le Japon c’est le pays le plus sûr du monde.
Donc moi je ne connaissais pas, nous on ne connaissait pas le Japon. Donc très rapidement lorsqu’on arrive pour rechercher Tiffen, des gens de la communauté française nous expliquent, nous appellent. Non mais est-ce que vous avez vu un corps démembré a été retrouvé dans une rivière ? On dit quoi ? un corps démembré.
Après, une tête est retrouvée près d’une voie ferrée. En fait, les faits divers, on est tenu au courant par la communauté française qu’il y a énormément de faits divers. Et puis, nous, puisqu’il n’y a pas d’enquête réelle de la police de Nico, nous, on mène nos investigations. Et en fait, on découvre que près d’un lieu que Tiffany voulait visiter, vous avez un homme qui se fait passer pour un faux guide et qui agresse les femmes. En plus de ça, un homme nous interpelle un peu plus tard en nous disant qu’il sait où est Tiffen.
Il n’est pas interrogé. Quant à l’hôtelier ou les gens qui sont dans l’hôtel, on s’intrigue, puisque grâce à nos enquêteurs, on découvre que Tiffen est probablement dans sa chambre jusqu’à 11h40. alors que l’hôtelier explique qu’elle est sortie avant 10 heures. Donc, on est évidemment très surpris. Puis, il y a un épisode qui se passe et que la police, vexée que notre mère écrive à Emmanuel Macron pour demander de l’aide de la France, décide de faire un test au luminol.
Dans la chambre de Tiffen, on a présent, donc ça, c’est le 8 août, et vous avez des traces qui apparaissent. Sauf que tout ça, ce n’est jamais transmis à la police française, qui demande par le canal Interpol, eux, des résultats. Ils demandent des perquisitions, des réquisitions, ils demandent des actions. Donc voilà, ce premier mois, ce mois d’août, est un véritable cauchemar. Alors tu as évoqué la présence d’Emmanuel Macron dans le dispositif, vous êtes entré en relation avec lui, il a fait un peu bouger les choses ?
C’est tout le drame dans l’affaire de la disparition de Tiffany, ou même dans beaucoup d’affaires, c’est que vous avez souvent un décalage entre le canal diplomatique, puisque nous, vous avez raison, Emmanuel Macron s’est personnellement engagé dans l’affaire de Tiffen. Lors de différents sommets, il a pu évoquer la disparition de Tiffen, donc le canal diplomatique a très vite été établi. Sauf que le problème, c’est que le dossier d’enquête qui avait été demandé à la justice française, lui, n’est jamais revenu. À chaque fois, vous aviez des réponses approximatives, donc il répondait, mais à côté. Donc, il est là, le drame.
C’est comment réussir, si vous voulez, à obtenir des véritables avancées ou des véritables éléments d’enquête quand vous avez une police qui fait la sourderie. Alors Damien, quelques années plus tard, toujours pas d’avancement dans l’histoire, la disparition de Tiffen. Aujourd’hui, vous avez décidé de monter une association, elle s’appelle Entraide, A-N-T-R-E-D. Il y a une page Facebook qui est disponible en lien de ce podcast, qui a vocation de continuer à rechercher Tiffen et également les autres Français qui ont disparu à l’étranger. On a déjà évoqué sur cette antenne l’affaire d’Éloi Roland en Nouvelle-Zélande.
Tu me disais qu’actuellement, par exemple, il y avait un Français qui avait disparu aux USA. Oui, c’est terrible, toutes ces histoires, parce qu’en fait, je pense qu’il y a un double traumatisme quand il y a une disparition. Vous avez déjà la disparition qui est quelque chose de terrible. Et après, en fait, même nous, on imagine qu’en fait, il va y avoir… On imagine que la justice…
On imagine qu’on va être aidé et soutenu. Et en fait, le problème à l’étranger, c’est que je ne dis pas que les autorités françaises ne font pas ce qu’il faut. C’est juste que vous êtes dans un pays avec des systèmes judiciaires très différents. Donc, en fait, le deuxième traumatisme, c’est de voir qu’en fait, vous êtes seul et que vous devez aussi bien essayer de peser dans le pays du lieu de la disparition en essayant d’avoir des avocats, d’avoir peut-être parfois des enquêteurs. Vous voyez que l’ambassade se mobilise, mais le problème, c’est qu’il n’y a pas toujours non plus au sein des ambassades des officiers de liaison ou des magistrats.
Donc, en fait, c’est très compliqué. Et de France aussi, vous devez faire en sorte que les choses bougent, malgré la distance, mais avec forcément parfois des plaintes qui sont difficiles de déposer, avec un certain temps, le temps que des juges soient saisis des affaires. En fait, tout est très, très, très compliqué. Donc, c’est pour ça qu’on a vu, vous avez cité Loi Roland. Effectivement, quand vous êtes une famille, vous n’êtes pas habitué, vous n’êtes pas formé pour…
mener ce genre de combat, que ce soit auprès des ambassades, auprès de la diplomatie. Nous, on a engagé des procédures auprès de l’ONU. Donc tout ça, c’est des choses qui sont très lourdes à porter. Voilà pourquoi on a décidé d’apporter ce soutien. Alors du coup, un appel à nos auditeurs.
Bientôt, on va pouvoir vous aider financièrement. L’association est en train d’être montée. On en relayera la possibilité lorsque ce sera le cas. Et puis, il y a la page Facebook. il y a possibilité de remonter des informations.
Sur l’affaire Tifen, par exemple, j’ai lu, vous cherchez des photos, des vidéos, peut-être des gens qui étaient là-bas sur place. Et puis pour les autres affaires, il y a toujours moyen, en tout cas, d’en parler. Ça entretient le fait de continuer les recherches. Oui, tout à fait. C’est pour ça que je vous remercie vraiment, puisqu’effectivement, ce genre de message, effectivement, on a lancé un appel à témoins parce que vous avez très souvent Quand les personnes disparaissent, c’est avant tout dans des lieux quand même touristiques, en tout cas proches, où vous avez énormément de touristes.
C’est le cas de Tiffen, c’est le cas de ce Français qui a disparu aux États-Unis. Donc effectivement, la médiatisation, le fait de relayer permet d’avoir des témoignages. Et parfois, ça peut être déterminant. Imaginons, vous avez raison, si quelqu’un a pu être à Nikko le 28 ou le 29 juillet, qu’il n’hésite pas à nous envoyer ses photos. Et le but de l’entraide, ce sera aussi de communiquer sur ces personnes disparues pour qu’il puisse y avoir des témoignages.
Donc effectivement, le rôle de la médiatisation est essentiel. Alors Damien, merci d’avoir témoigné aujourd’hui. Le lien, encore une fois, pour l’association, on le met dans ce podcast. Si la situation évolue, s’il se passe quelque chose, je te laisserai revenir vers la radio. Oui, merci infiniment.
Merci beaucoup. Bon courage à toute la famille et nos auditeurs qui nous écoutent, encore une fois, si vous pouvez apporter un témoignage ou un soutien, avec plaisir. Merci beaucoup. À bientôt, Damien.
Merci beaucoup. Au revoir.
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