Eric Crampon est un Français virologue qui vit aux USA

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Dans cet épisode captivant de « 10 minutes, le podcast des Français dans le monde », Gauthier Seys pose une question essentielle : comment les événements mondiaux influencent-ils notre quotidien, surtout quand on vit à l’étranger ? En compagnie d’Éric Crampom, correspondant aux États-Unis et virologue basé à Boston, Gautier explore les répercussions des crises sanitaires et politiques récentes sur les expatriés français. Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces expériences pour mieux nous préparer aux défis futurs ?

Éric Crampon, établi dans le Massachusetts, est un expert en virologie qui partage son expérience unique de la pandémie de Covid-19 depuis les États-Unis. Avec un parcours riche en recherche et en enseignement, Éric est bien placé pour analyser les développements scientifiques récents, notamment les avancées dans les vaccins non-ARN. Il offre également un regard éclairé sur les dynamiques sociales et politiques américaines, ayant vécu de près des événements marquants tels que l’assaut du Capitole.

Cet épisode aborde plusieurs sujets d’actualité, allant de l’évolution de la Covid-19 à la résurgence de maladies comme la variole du singe, rebaptisée Mpox pour éviter toute stigmatisation. Éric discute des défis persistants en matière de santé publique, notamment l’importance de la vaccination et de la protection lors des rapports sexuels. L’épisode se conclut sur une analyse des tensions politiques aux États-Unis, à l’approche des élections, et des implications pour les expatriés français. Éric partage ses réflexions sur la sécurité et l’avenir de ses enfants dans un pays où les divisions politiques sont exacerbées, soulignant l’importance de rester informé et préparé face à l’incertitude.

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https://www.linkedin.com/in/eric-crampon/

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Podcast n°2328 (Octobre 2024) produit par www.FrancaisDansLeMonde.fr, 1ère plateforme multimédia pour ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale. Ecoutez nos radios et nos podcasts « Expat » en installant l’application mobile gratuite.

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Transcription de l’épisode :

Voici 10 minutes, le podcast des français dans le monde, le podcast des français aux Etats-Unis. Pour aider tous ceux qui se préparent, qui vivent ou qui rentrent de mobilité internationale, je suis Gautier Seyss et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Eric Crampon, notre correspondant aux Etats-Unis depuis plusieurs années, direction Boston. 10 minutes, le podcast des français dans le monde. francaisdanslemonde.fr En 2020, j’échangeais régulièrement avec Eric, virologue, sur un sujet qu’on appelait à l’époque la Covid-19. Il y a quatre ans, on échangeait tous les deux.
Il était, lui, en train de vivre comme nous, mais de sa vision depuis les États-Unis, les événements du Capitole. Décidément, quand on échange, Eric, ça sent pas bon. Non, il y a toujours quelque chose qui se passe mal. Alors, si tu veux, on va faire dans l’ordre. On va commencer par un premier sujet, puisque tu es viréologue, tu es installé dans le Massachusetts.
Pour les auditeurs qui nous écoutent, on est tout en haut. À droite, un petit peu au-dessus de New York et bientôt au Canada. C’est ça, exactement. Et c’est de là que se trouvent de nombreuses universités, beaucoup de centres de recherche, c’est pour ça que tu es établi sur place. On a évoqué plusieurs fois dans divers podcasts le sujet de la Covid-19, aujourd’hui c’est devenu une espèce de grippe, l’immunité générale, il n’y a plus de sujet Covid-19.
Non, non, alors il faut quand même continuer si on est sensible à se vacciner, mais ce n’est plus un sujet aussi chaud. Et l’avantage aussi, et pas mal de compagnies pharmaceutiques travaillent dessus, c’est qu’on commence à arriver avec des technologies autres que l’ARN. Donc il n’y aura plus l’excuse de dire « ah, je n’aime pas les vaccins ARN, je n’en veux pas », il y a d’autres vaccins qui existent désormais. Et maintenant en France, par exemple, on se fait vacciner pour les plus sensibles, grippe et Covid-19 en même temps. Tout à fait, un dans chaque bras.
Alors, autre sujet, c’est la variole du singe, puis la monkeypox, puis aujourd’hui la mpox, c’est-à-dire que vous avez trouvé, les chercheurs, que la discrimination anti-singe n’était pas très clean. C’est ça, je pense que c’est plus que les gens n’appréciaient pas de se faire dire qu’ils avaient infecté par une variole du singe, c’était discriminant, donc on a caché le nom singe, de monkey on est passé à M. Alors moi quand j’étais petit j’étais vacciné contre la variole. Oui, c’est la variole humaine, parce que la variole existe sous différentes formes. La variole est une grande famille de virus, je crois qu’il y a 70 ou 75 différentes souches de variole qui sont plus ou moins spécifiques, et donc on va vacciner contre la variole humaine, et c’est pour ça qu’on reproduit en ce moment ce vaccin, parce que ce vaccin protège contre le variant simien.
Alors le variant, aujourd’hui on en trouve un peu partout. Tu me disais il faut faire une différence entre les cas importés et les cas endémiques. Importé c’est quand je vais en Afrique et je reviens avec le virus. Endémique c’est qu’il arrive, on ne sait pas trop où, en l’occurrence il y a des cas un peu partout. C’est ça, c’est ça.
Et je crois que la semaine dernière, c’était le premier cas endémique qui avait été décrit en Allemagne, à Berlin. Donc en fait, c’est que quelqu’un a importé parce que c’est clairement pas en Europe ou aux Etats-Unis, c’est pas des cas. Les infections originelles viennent d’Afrique. Mais ensuite, il y a transmission d’homme à homme dans les autres pays. Justement, cette transmission, elle se fait comment ?
Essentiellement par rapport sexuel non protégé. – Très bien, alors justement, ce sujet des rapports sexuels non protégés, c’est peut-être l’occasion pour cette variole de faire son grand comeback. Faisons un peu d’histoire, il y avait avant les années 80, avant le SIDA, puis la période où il y a eu une forte promotion du préservatif, parce que c’était la seule solution de se protéger du VIH, et tu me disais, depuis quelques années, avec l’apparition notamment de la PrEP et des et de la trithérapie, des médicaments pour éviter d’être malade. C’est donc un comeback des vieilles maladies. C’est ça, parce qu’en fait, j’avais lu quelque part que dans la population adolescente, c’est que le sida est vu comme une maladie, comme une autre, ce qui ne l’est pas, il faut le rappeler, parce qu’on peut vivre avec le sida, mais on ne soigne pas du sida, à part cas exceptionnels de gens, les cas qui ont pu être soignés du sida, c’était des gens qui avaient des leucémies, à qui donc on a démoli complètement le système immunitaire avant de réimplanter un système immunitaire nouveau.
– Donc il faut être simple aujourd’hui, si on est dans une situation avec des rapports non protégés, on peut se faire faire vacciner, selon les endroits où on est dans le monde, ce sera gratuit ou pas ? – C’est ça, c’est ça, en France l’avantage c’est que la sécurité sociale permet de protéger et paye pour les vaccins. – Sinon c’est la capote. – C’est ça, c’est ça, parce que c’est le seul moyen de se protéger, le rapport sexuel, ou encore plus anecdotique, c’est les contacts de 100 à 100. Ça peut être dangereux ?
Je pense qu’il y a un taux de mortalité qui n’est pas aussi… Je pense que ça peut être des cas mortels ou des conséquences neurologiques sur le long terme. Alors, autre petit sujet aussi, c’est la santé mentale de notre planète. Il y a quand même eu un effet post-traumatique, post-Covid aujourd’hui. Les gens ont été vraiment inquiets de se retrouver confinés, d’avoir peur de se faire tuer par l’autre, etc.
On constate dans le monde médical, la science c’est aussi le cerveau, que les gens ont été un peu perturbés par cette période. Ah oui, il y a des études de sociologie qui montrent clairement qu’il y a un effet psychologique fort, notamment chez les plus jeunes, comme on discutait. Être adolescent pendant le Covid, je pense que ça ne devait pas être une partie de plaisir. Et en l’occurrence, être adolescent avec les adultes qui passent leur temps à dire que la planète, elle va disparaître, ça ne doit pas être cool non plus. C’est ça.
En fait, c’est un mélange de tout. Il y a aussi cette vision qui est vraie qu’avec le réchauffement planétaire, il y a des conséquences sur le long terme. Les inondations qu’on peut avoir à droite, à gauche. Là, en ce moment, dans le Massachusetts, on a un wildfire, on a un incendie qui n’est pas contrôlé parce que la végétation est trop sèche. Donc, c’est un fait.
Et ce qui fait qu’en tant que parents, c’est clair que se pose la question de savoir quel monde on laisse à nos enfants. Alors en parlant d’un monde qui va peut-être changer, on va faire un focus sur la zone Etats-Unis et terminer cette interview, sachant que dans quelques heures les Américains vont voter, alors pas toi, toi tu es un Français aux Etats-Unis, toi tu vas voter quand c’est les élections françaises. C’est ça, c’est ça, et je suis encore en processus de devenir Américain, vu que je suis issu de carte verte, donc la résidence permanente, et donc j’ai fait la demande pour devenir Américain, mais ça sera trop juste pour pouvoir voter. Alors en l’occurrence, le bulletin de vote américain que les américains sont en train de remplir, parce qu’il y a du vote par correspondance dans certains états depuis septembre déjà, on peut l’analyser un peu, c’est un bulletin de vote pas du tout à la française. Ah pas du tout, pas du tout, en fait c’est plus ou moins un QCM comme on a connu dans nos études où il y a des questions à cocher, donc on vote pour le Président, on vote aussi pour la Chambre des représentants qui est l’Assemblée Nationale, un tiers des sénateurs qui sont renouvelés, et après ça toute une série de questions locales, donc on a eu, il y a 4 ans dans le Massachusetts, c’est comme ça qu’on a légalisé la marijuana récréative, c’était soumis à vote, est-ce que vous êtes pour ou contre la légalisation de la marijuana ?
Donc ce qui fait que dans pas mal d’États, ils ont légalisé la marijuana, mais à l’échelle fédérale, donc à l’ensemble des États-Unis, c’est toujours illégal. Donc quand on est en Californie, on a le droit de fumer un joint, mais dès qu’on franchit la frontière d’un parc national, c’est interdit. – D’accord, les règles quoi. – C’est ça. – Et donc chaque État a un bulletin de vote qui est différent, les questions locales varient.
– C’est ça, et avec aussi, pour revenir sur les présentiels, des candidats qui varient d’un État à l’autre. – Alors on en parlait hors antenne avant d’enregistrer, il y a les démocrates et les républicains, les républicains avec leur candidat c’est Trump, et les démocrates Camilla Harris, il existe trois autres candidats dont on n’entend jamais parler, en l’occurrence ils ne sont pas forcément candidats dans tous les États, et donc ils n’ont pas de poids au final. – Et on n’en parlera même pas quand je regarderai CNN, ils ne les mentionneront même pas. Alors on vote jusqu’à mardi et ensuite il va y avoir tout le processus de résultats. On sait qu’on rentre dans une période un peu instable.
On avait connu il y a quatre ans ce qui s’était passé au Capitole. Est-ce que la démocratie américaine peut vivre là ces dernières heures ? C’est malheureusement pas impossible, parce que déjà quand on entend Trump qui dit qu’il a décrété une purge pendant 24 heures, ça fait peur. Il a dit qu’il serait dictateur la première journée. C’est ça.
Après ça, j’habite dans le Massachusetts, donc c’est pas non plus un état où on a quand même pas mal de tampons socials et sociétals, mais dans certains autres états, Mississippi, Missouri, ce qu’on appelle les Ruby States, parce qu’ils sont rouges et carlates. Là, pour le coup, être un homme blanc ça va à peu près, je serai une femme noire, je commencerai à avoir aussi très peur. Résultat, on pourrait grosso modo dire que dans les grandes villes avec des universités et plutôt un public CSP+, on est plutôt sur du bleu et quand on devient très rural, on bascule en rouge. Tout à fait, c’est exactement ça. Comment on fait quand on croise d’autres Américains pour parler de ce sujet ?
Est-ce que ça peut devenir vite un problème ? – En fait, il faut voir que le MAGA, le Make America Great Again, c’est de l’une secte, donc on a le même problème de dérive sectaire, c’est que certaines personnes avec qui on ne peut plus parler. – Ça crée une fracture. – Complètement, même au sein des familles. – Et c’est ce qui peut être dans les prochaines heures le sujet compliqué, on ne va pas réconcilier les gens.
Non, et surtout qu’on est dans un pays où, à nouveau moyennement dans le Massachusetts, même si ça existe quand même, le port d’armes est légal. Donc le second amendement qui protège, qui donne le droit de porter une arme, donc des gens qui ne s’entendent plus et qui sont armés, ça peut très vite dégénérer. Est-ce que ça pourrait t’inquiéter ? Comme je disais, le Massachussetts, le jour où le Massachussetts rentrera en guerre civile, il y a de l’eau qui aura coulé sous les ponts, mais oui, ça fait quand même réfléchir. Il y a eu une guerre de sécession, la guerre civile aux États-Unis au sujet de l’esclavage.
Normalement, la Constitution a été amendée pour éviter que les États n’ont plus le droit de faire sécession désormais, mais voilà, c’est sur le papier. La Constitution ne tient que tant que la démocratie tient. – Et toi, en tant que Français, avec tes enfants qui vivent là-bas, qui vont à l’université américaine, est-ce que tu as prévu un plan B ? Plan B, c’est difficile à prévoir, mais l’avantage c’est qu’on a toujours un passeport français. Donc on peut repartir.
Plus simple pour nous, ça serait peut-être d’aller au Canada, qui n’est pas si loin que ça. 5 heures en voiture. 5 heures en voiture, c’est ça. Mais oui, c’est l’avantage d’être binational, c’est qu’on a quand même un backup. On va vivre ça ensemble dans les prochaines heures.
Quand on se souvient de ces images du Capitol où Trump avait quand même mis vraiment de l’huile sur le feu et qu’on le voit à nouveau candidat aujourd’hui, rien que ça, il y a déjà un petit côté pour nous Européens et nous Français avec la déclaration des droits de l’homme, etc. On a un peu de mal à comprendre. Tu comprends qu’on a du mal à comprendre ? Complètement, mais même des advocats ne comprennent pas. Mais à nouveau, il a réussi à endoctriner, c’est devenu une secte.
Il y a un corps électoral qui, quoi qu’il fasse, comme il le dit, je peux aller sur la 5e avenue et tirer et personne ne dira rien, c’est sa base, on est à ce point-là. Bon ben Éric, j’ai envie de te dire, je te souhaite de passer des jours sympathiques. Exactement. J’espère qu’on ne se refroid pas une spéciale capitole avec des heures indues, parce qu’avec le décalage horaire, je me souviens que c’était quand même un petit peu compliqué. Et nous, on ne comprenait vraiment rien de ce qui se passait.
On ne comprend toujours à peu près rien d’ailleurs. On va suivre ça ensemble. Merci pour ce témoignage. Et pour ceux qui nous écoutent, n’oubliez pas le préservatif. Je me fais un peu un Dechavanbis sur ce coup là.
C’est ça, exactement. À bientôt. À bientôt.

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