Élections Allemandes : Mathieu Pouydesseau analyse les résultats

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Quel est l’impact des élections législatives allemandes sur l’Europe et ses voisins ?
Dans cet épisode du podcast « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », Gauthier Seys interroge Mathieu Pouydesseau sur les répercussions potentielles des récentes élections législatives allemandes. Alors que l’Allemagne, pilier central de l’Union européenne, traverse une période de bouleversements politiques, quelle influence cela pourrait-il avoir sur ses voisins, notamment la France ? Ce questionnement introduit une discussion captivante qui explore les dynamiques politiques actuelles en Allemagne et leurs implications plus larges.

L’invité de cet épisode, Mathieu Pouydesseau, est un chef d’entreprise français établi à Berlin depuis 2000. Originaire de Bordeaux, Mathieu a étudié à Sciences Po avant de se tourner vers l’informatique. Aujourd’hui, il dirige une société de services en ingénierie informatique spécialisée dans l’intelligence artificielle. En plus de son activité professionnelle, Mathieu est profondément engagé dans la vie politique et sociale allemande, ayant participé à des élections locales et œuvrant activement pour les banques alimentaires.

L’épisode se concentre sur les récentes élections législatives allemandes, marquées par des résultats inattendus et des alliances controversées. Mathieu explique les similarités entre les situations politiques française et allemande, notamment la fragmentation des parlements et la difficulté de former des coalitions stables. Il évoque le concept de « Weimarisation », en référence à la République de Weimar, pour décrire l’éclatement politique actuel. L’épisode aborde également les défis sociaux et économiques auxquels l’Allemagne fait face, ainsi que les implications potentielles pour la communauté française résidant dans le pays.

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https://www.linkedin.com/in/mpouydesseau/

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Chapitrage de l’épisode :

00:00:02 – Introduction et Présentation de l’invité
00:00:27 – Discussion sur la Vie en Allemagne et la Scène des Startups
00:02:00 – Impact de la Spéculation Immobilière sur Berlin
00:03:30 – Engagement Politique et Social de Mathieu
00:04:00 – Comparaison des Gouvernements Allemand et Français
00:05:40 – La Weimarisation et ses Conséquences
00:06:30 – Résultats des Législatives en Allemagne
00:07:30 – Problèmes de Coalition et Alliances
00:08:50 – Montée du Populisme et Conséquences Sociales
00:10:00 – Impact sur la Communauté Française en Allemagne
00:11:00 – Ambiance Électorale à Berlin et Conclusion
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Transcription de l’épisode :

Bienvenue dans 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde. Je suis Gautier Saïs et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Mathieu Puy-de-Sault. Nous sommes à Berlin et on parle des élections allemandes. 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde. Un chef d’entreprise engagé, comme il m’a dit, est au micro de la radio des Français dans le Monde et je salue Laure Palaise qui nous a mis en relation.
Direction l’Allemagne, notre voisin qui a voté pour ces législatives. On va mettre un peu d’ordre dans toutes ces informations aujourd’hui avec Mathieu. Bonjour, bienvenue. Merci Gauthier, bonjour. Tu es originaire de Bordeaux, à cette belle région du sud-ouest.
T’en parlais du canard tout à l’heure en rentaine, évidemment, pour être dans les clichés. Allons-y. Ça va, ça ne te manque pas trop la France ? Elle n’est pas si loin que toi. Il y a quelques restaurants à Berlin où l’on peut trouver du bon confit de canard, donc tout va bien.
Très bien. Tu fais des études Sciences Po et puis l’histoire et finalement, c’est l’informatique qui va te tendre les bras. Aujourd’hui, tu es à la tête d’une SS2I qui propose des solutions d’intelligence artificielle au service des entreprises. Un sujet d’actualité, décidément. Exactement.
Et ça me permet aussi surtout de comprendre qu’est-ce qu’il se passe dans le tissu économique allemand, puisque mes clients, ce sont en fait les grands groupes industriels allemands et aussi en Europe de l’Est. Tu t’installes il y a 24 ans dans la capitale. Tu es à Berlin en 2000, un vent de liberté souffle sur cette ville qui se réinvente après la chute de son mur. Tu te souviens de ces premiers mois à Berlin ? Oui, absolument.
Alors, il y avait déjà un grand sentiment de liberté, des espaces, une vague complètement libre de bâtiments et en même temps des prix de l’immobilier qui étaient extrêmement peu chers. Pour une poignée de francs à l’époque encore, ou de marques, on pouvait vivre très longtemps à Berlin et ça permettait d’être très innovatif. une scène de start-up déjà à l’époque, sans investisseurs, sans argent, mais on était du coup très créatif et on n’avait pas à s’inquiéter sur où trouver un toit, ça n’était pas cher. Et comment les choses ont évolué ? L’argent est revenu avec le temps ?
Alors, l’argent est venu et même venu en masse avec aussi une autre conséquence, la spéculation immobilière, qui fait qu’aujourd’hui, c’est très compliqué à Berlin de trouver un logement. C’est aussi très compliqué pour des créateurs d’entreprises de trouver des locaux pour commencer leur activité. C’est l’un des challenges, l’un des défis de l’économie allemande aujourd’hui. Tu es un français citoyen engagé, tu as participé à l’aventure politique avec des élections il y a quelques années en Allemagne. Aujourd’hui tu restes quand même très très proche de cette vie politique, d’autant qu’il y a pas mal de choses à dire.
Oui, tout à fait. Alors, j’ai été engagé dans des partis allemands, le SPD pour citer le principal, dans un parti français, la gauche républicaine et socialiste. C’est avec lui que j’ai été candidat au Consulat de 2021 pour l’Allemagne du Nord, donc Berlin et Hambourg. Et je reste aussi très engagé dans le réseau des banques alimentaires, notamment en Allemagne, ça s’appelle Tafel, que j’essaie d’aider soit en lobbyisme, soit en organisant des campagnes de dons. Maintenant, Mathieu, on va s’intéresser à ces élections législatives.
En préparant cette interview, je te demandais si finalement, ce que vivait la France et cette espèce d’hémicycle très compliqué avec un gouvernement qui a du mal à tenir et des problèmes dans les budgets, dans les prises de décisions sur les prochaines lois, etc. Est-ce que finalement, l’Allemagne vivait pas un peu la même chose ? C’est un parallèle tout à fait pertinent Gauthier, c’est vraiment spot on. Le gouvernement allemand est tombé en octobre sur la question des impôts dans le budget, de la même manière que le gouvernement barnier est tombé sur le budget. Donc c’est tout à fait des parallèles comparables.
Il y a cependant aussi un autre phénomène qui touche tous les parlements européens actuellement, c’est un émiettement de tous ces parlements avec avec des forces politiques de plus en plus opposées entre eux, qui rendent très compliquée la conception de coalition. Et c’est un phénomène que je décris depuis une dizaine d’années sous le terme de Weimarisation, faisant référence à la République de Weimar de 1918 à 1933 en Allemagne. Alors Mathieu, fais-moi un petit point d’histoire justement. Reprojetons-nous en 1918, la Weimarisation dont tu parles, c’est le fait que des gens qui ne peuvent pas s’entendre doivent s’entendre et que ça ne marche pas du coup. Exactement.
Alors l’un des sujets qu’on avait à l’époque c’était des gauches irréconciliables entre à l’époque le parti communiste et le parti socialiste et de l’autre côté une extrême droite qui montait très très forte et qui était opposée à la démocratie dans son ensemble. Ça a forcé donc des alliances de la carpe et du lapin, c’est à dire des sociodémocrates et des droites qui n’ont pas fonctionné à la fin, ce qui fait que les droits ont gouverné en gouvernement minoritaire, en utilisant beaucoup les ordonnances ou les équivalents de ce qu’on appelle en France le 49-3, jusqu’au moment où, à la fin, un libéral a dit « Ah, je vais m’allier avec l’extrême droite et je vais les maîtriser parce que ce Hitler, c’est un bouffon, il est facile à manipuler ». Ça ne s’est pas passé comme prévu. En effet, l’histoire nous l’a raconté. Si on s’arrête sur le résultat de ces législatives, la droite arrive en tête, comme prévu, mais finalement un peu moins haute que ce que les sondages n’avaient annoncé.
On les donnait à 31-32. Finalement, la CDU-SCU est à 28,6. Tu me disais que c’est sans doute cette alliance qu’ils ont fait sur un sujet autour de l’immigration qui leur a fait perdre des voix importantes. Oui, le futur chancelier, Frédéric Schmerz, a fait une coalition au Parlement au bout d’un stag avec l’extrême droite sur deux textes sur l’immigration, visant à réduire l’immigration. Et cela a déclenché une soucousse très profonde dans l’opinion allemande, car en Allemagne, il est absolument tabou de parler avec l’extrême droite, de faire des coalitions avec l’extrême droite, quel que soit le sujet.
Et il y a eu d’énormes manifestations avec des centaines de milliers de personnes et une mobilisation très, très forte contre cette possibilité d’alliance de la droite et de l’extrême droite. qui expliquent en partie le fait que la droite ait perdu trois points par rapport au sondage. Ça reste une victoire. Et ça reste une victoire, ils arrivent en tête. La FD que l’on donnait autour de 22 est finalement à 20,8.
Est-ce que, pareil, la FD, c’est le Rassemblement national français, est-ce que c’est comparable ? L’AFT est beaucoup plus radical que le Rassemblement National Français. Il y a des parties entières du parti de l’AFT qui sont donc l’équivalent de classés S en France, donc considérés comme très radicaux à droite, et qui sont surveillés par les services secrets intérieurs. Nombre de ces dirigeants ont été qualifiés par la justice allemande de fascistes. On peut les appeler de fascistes, ce n’est pas une diffamation.
Et donc, dans leur position, proche d’Elon Musk et de Donald Trump que ce que peut dire Jordan Bardella ou Marine Le Pen. Et quant au troisième parti, le parti de gauche, le SPD, et lui est arrivé à 16,5. Tu me disais que c’était son plus mauvais score historique. Oui, depuis mars 33. Ils n’avaient pas fait aussi peu.
Ils ont été balayés sur la partie Est de l’Allemagne par l’extrême droite, mais ils ont aussi perdu, par exemple, Gelsenkirchen, qui est connu pour son club de football Schalke 4, Schalke 04. et qui était un bastion du SPD à l’ouest, il y est passé aussi à l’extrême droite. Donc ça, c’est un choc profond pour le SPD. Il va falloir voir comment il va s’en remettre. Un parti de gauche a beaucoup progressé, c’est les Links, parce qu’ils ont récupéré toute la volonté de lutte contre l’extrême droite liée à l’action du futur chancelier Friedrich Merz en janvier.
Alors l’Allemagne va devoir donc établir une coalition. Un des risques, justement, en discutant et en se rapprochant tout doucement de l’extrême droite, c’était de se dire qu’ils vont s’allier. Aujourd’hui, on peut dire qu’il n’y aura pas d’accord entre l’AFD et le parti de droite. Oui, ça a été totalement exclu d’hier soir et aujourd’hui les dirigeants de droite les plus radicaux contre le SPD pendant la campagne ne font plus que des éloges du SPD comme étant un parti qui a toujours été là pour défendre la démocratie contre l’extrême droite. faisant des appels du pied très très fort pour un accord de coalition assez rapide.
D’ici à Pâques, espère le futur chancelier Friedrich Merz, de manière à ce que l’Allemagne puisse reprendre assez rapidement voie sur la scène internationale. Mais est-ce que la gauche et la droite allemande ont déjà été assis ensemble pour des négociations ? Ah ben oui, ce fut l’essentiel des gouvernements de Angela Merkel, étaient des gouvernements de coalition avec le SPD. Donc trois de ces quatre gouvernements étaient avec le SPD déjà. Donc c’était déjà la droite et le SPD.
Petite question personnelle, quand je vois ce qui a été dit autour de l’AFD, quand on voit un certain nombre de discours, on voit des manifestations qui ont pu avoir lieu ou des rassemblements avec des images qu’on pensait définitivement oubliées dans nos esprits. Toi, qui est un Français établi en Allemagne depuis 2000, comment tu vois ça ? On a oublié que la crise qui a conduit aux différents types de fascisme en Europe dans les années 20 et 30 du siècle précédent, avaient à l’origine des crises sociales, c’est-à-dire des gens qui n’ont pas bénéficié de périodes de prospérité. Or, la majorité des classes populaires en Europe et notamment en Allemagne n’ont pas profité des années riches, des années grasses d’excédents commerciaux. qui n’ont pas été rendus au peuple allemand sur la forme d’augmentation de salaire, d’amélioration des conditions de vie ou d’investissement dans les infrastructures publiques.
Et donc, il y a une très, très forte colère par rapport à cette sensation que finalement, la démocratie n’a pas été en leur faveur. Et c’est ce qui amène toujours la victoire du mouvement populiste. Mais ça fait quand même des images qui sont très étonnantes. C’est des images très choquantes. Beaucoup de Français étaient présents dans les manifestations en Allemagne pour soutenir les Allemands dans leur volonté de dire « plus jamais ça ».
Mais le principal problème qui va se poser pour le prochain gouvernement, c’est comment régler la question sociale. Car récupérer tous ces gens qui sont partis voter pour l’extrême droite va nécessiter de leur donner une perspective positive pour la démocratie. Mathieu, ma dernière question. Il y a une très grosse communauté de Français établis en Allemagne, un peu partout, parce qu’il y a de grandes villes un peu partout. Est-ce qu’il y a des conséquences à court, moyen ou long terme pour ces Français établis en Allemagne ?
Alors à court terme, non. À moyen et long terme, il faudra voir à l’usage. Je me souviens, je travaillais en Grande-Bretagne au moment où les conservateurs ont lancé la campagne pour le Brexit et ils s’en prenaient aux migrants européens, c’est-à-dire moi-même à l’époque. Et beaucoup de mes amis ont perdu des droits à retraite, ont perdu des cotisations, ont perdu pas mal d’années suite au Brexit. Donc il faut rester très attentif à ce que l’AFD, l’extrême droite allemande, peut essayer de faire avec la droite.
Mais pour l’instant, le mur républicain semble avoir été bien reconstruit. avec des maçons de bonne qualité. Et donc, on peut espérer qu’ils tiennent. Et bien voilà, pour terminer ce podcast avec un petit rayon de soleil, ça nous fera pas de mal au moment où on se parle. Tu es à Zurich.
Tu me disais que tu avais quitté la capitale allemande. Il y avait une tension avec ces élections palpable dans la rue ? Alors à Berlin, oui. Hier, j’étais à Berlin. Il y avait la tension était palpable partout.
Aujourd’hui, à Zurich, il y avait peu de gens qui parlaient des élections allemandes, mais j’ai Au déjeuner, j’ai rencontré un ami allemand et ça a été l’essentiel de notre conversation à apporter non pas sur le sujet business qui nous amenait à nous rencontrer, mais les élections politiques en Allemagne. Affaire en suivre en tout cas, merci pour cet éclairage. Au plaisir de te retrouver sur l’antenne de la radio des Français dans le Monde. Merci Gauthier. Vous écoutez la voix des expats.
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