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Pourquoi le bon pain français est-il si difficile à trouver ailleurs dans le monde ?
C’est la question intrigante que Gauthier Seys pose à ses auditeurs dans cet épisode de « 10 minutes, le podcast des français dans le monde ». En compagnie de Charles Sassiat, un boulanger-pâtissier expatrié à Bruxelles, l’épisode explore les mystères et les défis de la boulangerie française à l’étranger. Pourquoi la qualité du pain diffère-t-elle tant d’un pays à l’autre, alors que les ingrédients de base semblent si simples ? Charles explique que la réglementation stricte en France, notamment la loi Raffarin de 1993, garantit une qualité exceptionnelle des ingrédients comme la farine et le beurre, ce qui n’est pas le cas ailleurs.
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Chapitrage de l’épisode :
Vous allez plonger au cœur d’une nouvelle histoire inspirante et appétissante. Bienvenue dans 10 minutes, le podcast des français dans le monde. Je suis Gautier Seyss et j’ai conscience que je vais vous énerver, car on va parler de bons pains français et de pâtisserie pendant 10 minutes avec Charles Sassia, direction Bruxelles. 10 minutes, le podcast des français dans le monde. Francaisdanslemonde.Fr.
Charles, ce podcast va faire un carton à chaque fois qu’on parle de pain, on fait un carton. Pourquoi ? Alors bonjour déjà pour commencer. Oui, bonjour Jean-Baptiste. Je m’emballe.
Je suis à fond sur ma question. Pourquoi on ne peut pas manger du bon pain comme le bon pain qu’on trouve en France ? Partout dans le monde, c’est de la farine, c’est des ingrédients de base. Comment c’est possible que le pain ailleurs, autrement qu’en France, soit aussi dégueulasse ? Alors, pour faire simple, c’est vrai qu’on a souvent tendance à critiquer la charge des lois en France, on a beaucoup de lois, ça peut être très oppressant, mais il faut savoir que la farine française est la seule qui est réglementée dans le monde, avec la loi Raffarin de 1993.
Ce qui fait qu’on ne peut pas ajouter d’adjuvants ou de produits dans nos farines pour les booster. C’est-à-dire que la farine, comme tu dis, c’est du blé. C’est du blé chez nous, mais ce n’est pas forcément que du blé dans les autres pays. Dans les autres pays, surtout après la Seconde Guerre mondiale, on a ajouté beaucoup de choses pour donner de la force à la population, de la force aux soldats. et nous c’est quelque chose en France qu’on essaie de protéger.
On essaie de protéger nos agriculteurs et alors on leur impose forcément d’un côté des choses qui sont lourdes à gérer parce que le blé, il faut savoir l’extraire et vraiment le protéger, mais d’un autre côté pour le consommateur, c’est vraiment un gage de qualité. Et ça, c’est ce qui va nous différencier des autres pays, même des pays voisins. C’est déjà la qualité du blé et ensuite les ingrédients. Comme tu dis aussi, pareil, la qualité du beurre, la qualité du lait à la base. et de beaucoup d’autres ingrédients.
En France, on peut vraiment être fier du terroir et de nos agriculteurs. Je sais bien parce qu’avec 3 millions d’auditeurs à travers la planète, à chaque fois qu’on parle, alors pain, charcuterie, vin, on est sur des sujets qui sont sensibles, ça pourrait les énerver si on leur parle trop longtemps de ces thèmes. Forcément, je me posais cette question. On pourrait, au demeurant, faire une bonne baguette n’importe où dans le monde, en fait. Oui, c’est ça.
Alors c’est vrai qu’il y a des grands noms de la boulangerie française qui arrivent, mais ça demande aussi un bon levain. La base aussi du pain, c’est un bon levain. Et ça, c’est quelque chose qu’on a perdu aussi, surtout après la Seconde Guerre mondiale, quand on a essayé de faire des pains bien blancs, contrairement au pain de la guerre qui était tout compact et tout noir. Et on a essayé de faire du pain aussi qui allait vite à faire, donc avec beaucoup de levure. Et ça, ça a causé énormément de dégâts, surtout au niveau des intestins.
des gens qui sont intolérants au gluten, c’est des choses qu’on n’avait pas avant la guerre. Parce qu’avant la guerre, le pain avait le temps de fermenter avec le levain fabriqué à la maison. Et ça, c’est ce que beaucoup de boulangeries essaient de refaire à l’heure actuelle. Alors, avant de parler de l’histoire de la boulangerie et de la pâtisserie, on va parler de la tienne. Tu es natif de Rouen.
Tu as commencé des études d’enseignement supérieur. Mais ton frère rentre du Japon, il est lui pâtissier, il va te donner deux envies, l’envie de la pâtisserie et l’envie de l’expatriation. Oui, c’est ça. Voilà donc mon grand frère qui est rentré du Japon et après beaucoup de discussions, il ouvrait son petit magasin à Saint-Germain-en-Laye dans les Yvelines et j’ai été le voir et il m’a transmis la passion. Comme tu dis, d’abord de la pâtisserie, puis des voyages.
Et après c’est une aventure moi qui m’a poussé à beaucoup voyager aussi. Alors il va te prendre en apprentissage pendant deux ans et puis un jour tu quittes Saint-Germain-en-Laye pour la grande aventure de l’international. Attention auditeurs, accrochez-vous, ça commence à Londres. Tu travailles, c’est tout simple, juste pour la cour royale. Pour un fournisseur de la cour royale, exactement.
Une belle pâtisserie. Et aussi pour tous les caterings pour Eurostar, pour ceux qui voyagent, qui connaissent. À l’époque, en première classe, on retrouvait aussi nos pâtisseries, donc c’était une fierté quand même. Et est-ce que tu as vu Élisabeth ? Non, je ne l’ai malheureusement jamais vu.
Ça aurait été bon pour l’audience. Pain et Elisabeth, alors là, on cartonnait. Ensuite, tu vas faire la même chose, mais en Belgique. C’est aussi une royauté. Oui, c’est ça.
Donc en Belgique, j’ai travaillé aussi pour une des maisons de la… Parce qu’il y en a plusieurs en Belgique, pour le coup, mais une des maisons de la cour royale. Et à l’époque, par contre, alors, je n’ai pas vu le roi Philippe qui venait de se faire couronner, mais on a fait le gâteau pour son couronnement. Sympa. Ensuite, une autre destination qui fait rêver, la Corée du Sud.
Pourquoi elle vient se mettre sur ton chemin ? Il y a souvent une femme qui passe par là et donc mon épouse que j’ai rencontrée en chocolaterie à l’époque en Belgique et coréenne et donc on a poussé le voyage de son côté à elle. Ça doit pas être dégueu les anniversaires chez vous quand même. Les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés malheureusement. Je t’ai jamais fait de gâteau, je te le souhaite pas.
Tu vas bosser pour House of Dior. Un mot là-dessus, c’est quand même incroyable de bosser pour Dior. Oui, c’est vrai que c’était une belle opportunité. J’ai commencé dans déjà une très belle pâtisserie coréenne pendant presque aussi deux ans. Et ensuite, l’opportunité de travailler pour la House of Dior, qui était à l’époque le plus grand Dior d’Asie, donc sur six étages et avec un café au dernier étage.
Quand même, j’étais chef Dior, mais pour Pierre Aimé, je devais faire la jonction entre tout ça. Sympa, sympa. Ensuite, changement de décor, New York, New York. Voilà, exactement. pour pousser encore plus à droite, même si la terre est ronde, jusqu’à preuve du contraire.
Mais voilà, on pousse encore et là, à New York, l’opportunité aussi de travailler là-bas. Et alors, tu travailles pour qui là-bas ? Alors pour Eric Keyser aussi, qui pour beaucoup de français vont connaître, c’est un des grands pontes de la boulangerie française. Et justement pour rebondir sur ce que tu disais tout à l’heure, lui il essaie vraiment de conserver la même qualité de pain partout dans le monde. C’est pour ça qu’il a une bonne réputation.
Alors tu vas développer avec ton associé une entreprise qui s’appelle Gâteau à Bruxelles en 2015. Tu vas décider de le rejoindre en 2018 et ouvrir une seconde pâtisserie. Il y en a deux aujourd’hui. Donne-nous un peu les deux endroits où on les trouve pour tous nos auditeurs qui sont français et qui cherchent ta boulangerie à Bruxelles. Avec plaisir.
Alors la première, la plus grande, la maison mère, comme on l’appelle, c’est à Etterbeek, à côté du parc du Cinquantenaire, pour les connaisseurs. Et la deuxième, on n’est pas loin du lycée français, section maternelle à Drogenbos, en bas de la chaussée d’Alzenberg. Et on pourra trouver chez toi, par exemple, un bon pain au levain. Alors tu disais c’est à la française, mais enfin, comme t’es français, c’est à la toie, quoi. Oui, c’est ça.
Voilà, c’est indirectement à la française. On n’a pas du tout joué sur cette image. Pas de drapeau français chez nous. Rien qui l’indique, en tout cas. On vit notre vie, mais c’est vrai qu’on travaille comme nous, on sait faire.
Et pour nous, ce qui nous semble logique n’est pas forcément logique pour les autres. Alors on parlait justement de cette qualité du pain un peu partout dans le monde. Beaucoup de Français se plaignent de ne pas trouver du bon pain. Est-ce qu’on peut donner des conseils à des auditeurs, à la limite qu’ils le fassent eux-mêmes en ramenant des ingrédients de France, par exemple ? On est capable d’arriver à de la qualité quand même.
Si on veut, on peut en fait. Ce n’est pas interdit. Oui, le problème pour beaucoup de personnes à l’heure actuelle je pense sera le temps. Un bon pain ça demande du temps parce que c’est une fermentation et une fermentation ça se respecte parce que c’est de la vie au final et je vais pas rentrer dans les détails mais nous le pain va prendre entre deux ou trois jours de fabrication. Et c’est vrai que c’est pour ça que beaucoup de personnes ajoutaient de la levure, mais c’est ce qui va nous faire mal.
Donc le bon pain demande du temps. Voilà, et c’est pour ça que le pain de mie, c’est retrouvé dans des sacs plastiques aux quatre coins du monde. C’est ça. Oui, exactement. Est-ce que toi, tu fais partie de ceux qui disent l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt ?
Eh bien, je vais être un mauvais élève sur ça, je pense, justement parce que le fait de travailler sur plusieurs jours comme on fait, ça permet de commencer tard. Alors, on s’entend comment c’est tard pour nous, c’est 5 heures du matin, mais pour un boulanger, c’est déjà pas mal parce qu’avant, on commençait plutôt vers les 2 heures ou même vers les minuits. Donc, ça permet de se parler déjà aujourd’hui. Regarde, je n’ai pas une tête trop fatiguée. Mais là, tu arrives sur ta fin de journée.
Là, au moment d’enregistrer les 15 heures françaises, c’est ta fin de journée. Voilà, c’est ça, c’est ma fin de journée, j’ai le temps de rentrer, de manger et d’avoir une vie à peu près convenable et correcte. Alors justement, la vie à Bruxelles, comment ça se passe ? Ayant connu Londres, New York, Séoul, tu te retrouves à Bruxelles qui est une très belle capitale, peut-être un peu plus pluvieuse que ce que tu as pu connaître. Comment se passe la vie dans la capitale belge ?
C’est vrai que c’est une vie agréable. C’est une vie qui ressemble beaucoup à la vie française, mais avec un petit côté un petit peu plus cool. En tout cas, j’entends beaucoup de Français qui me le disent aussi. Il y a toujours un stress comme partout, mais les gens sont quand même un peu plus détente. En tout cas, je te souhaite le meilleur.
On se parlait hors antenne. Est-ce que tu vas, comme d’autres Français, développer une franchise gâteau ailleurs dans le monde ? Bon, c’est pas parti pour ça tout de suite. Non, c’est ça, c’est pas parti. On va essayer de garder déjà la qualité, de satisfaire les gens qui nous sont fidèles.
Et peut-être un jour, on ne sait pas, oui, ce qu’est l’avenir nous réserve. Oh, un petit Cornora de New York, ce serait quand même pas mal. Un gâteau à Manhattan. Ça me rappellera des bons souvenirs. Tu y as déjà pensé honnêtement ou tu t’es dit c’est pas une bonne idée ?
Non, pour moi c’est pas une bonne idée. C’est vraiment personnel mais c’est compliqué de garder la même qualité si on n’a pas un œil dessus. Donc nous c’est vrai qu’on y travaille à 100%. T’es un chef gentil ? Ça dépend les gens.
Ça dépend les retours. Non, en général, oui, il faut. De toute façon, on a besoin de retransmettre. Si on dégoûte les gens du métier, ça ne sert à rien. Autant travailler tout seul.
Eh bien, en tout cas, comme les studios de la radio ne sont pas très loin, je viendrai manger un petit croissant chez Gato prochainement. Merci beaucoup, Charles. Tu salues toute ton équipe. Au plaisir de te retrouver. Je te remercie.
Vous écoutez la voix des expats.
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