Catherine Smadja : L’impact du Brexit sur les Français

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Comment le Brexit a-t-il transformé la vie des expatriés français au Royaume-Uni ?
Dans cet épisode captivant de « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », nous invitons nos auditeurs à se pencher sur une question brûlante : comment le Brexit a-t-il concrètement changé le quotidien des expatriés français vivant au Royaume-Uni ? À travers le récit personnel de Catherine Smadja Froegel, nous explorons les réalités post-Brexit qui impactent la liberté de mouvement, le marché du travail et les relations franco-britanniques. Ces changements ont-ils rendu la vie plus difficile pour les Français vivant outre-Manche, ou ont-ils simplement redéfini les termes de l’immigration ?

Catherine Smadja Froegel, notre invitée, est une figure emblématique parmi les expatriés français. Avec un parcours impressionnant qui l’a menée des couloirs de l’ENA à des postes influents au sein des ministères de la culture en France et au Royaume-Uni, elle partage aujourd’hui son expertise et son vécu. Engagée au sein de l’association Français du Monde ADFE, Catherine œuvre pour soutenir et rassembler les Français à l’étranger, tout en promouvant des valeurs de solidarité et d’humanisme.

Cet épisode se concentre sur les défis et les opportunités post-Brexit pour les expatriés, notamment en ce qui concerne l’accès au marché du travail britannique. Les nouvelles règles d’immigration, les coûts prohibitifs des visas et les obstacles administratifs sont autant de sujets abordés. Catherine nous éclaire également sur le rôle crucial de Français du Monde ADFE, une association qui soutient les Français à l’étranger dans leurs démarches quotidiennes et qui continue de s’adapter aux évolutions politiques, tout en restant fidèle à ses valeurs fondatrices.
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https://www.linkedin.com/in/catherine-smadja-froguel/

Podcast n°2055 (Décembre 2023) produit par www.FrancaisDansLeMonde.fr, 1ère plateforme multimédia d’aide à la mobilité internationale, en partenariat avec Français du Monde ADFE  . Ecoutez nos radios et nos podcasts « Expat » en installant l’application mobile gratuite.
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Chapitrage de l’épisode :

0:00:03-Présentation de l’épisode et context du Brexit
0:01:01-Retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne
0:02:33-Liberté de mouvement et impact sur les jeunes européens
0:04:00-Cout et complexité des visas de travail et étudiant
0:04:46-Augmentation des exigences salariales pour les visas
0:06:00-Difficultés pour les immigrants illégaux au Royaume-Uni
0:07:00-Conséquences du Brexit sur les résidents de longue date
0:07:52-Relations franco-britanniques et impact sur l’immigration
0:09:39-Rôle et missions de l’association Français du Monde ADFE
0:11:00-Évolution politique de Français du Monde ADFE
0:12:43-Recherche de solutions concrètes pour les Français à l’étranger
0:13:52-Avenir personnel et professionnel de Catherine
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Transcription de l’épisode :

Vous écoutez la radio des français dans le monde. Le podcast. Mon invité Catherine Smadja Froegel, dans le cadre du partenariat avec Français du Monde ADFE. On va parler de cette association partenaire de la radio des français dans le monde dans un instant. Catherine, le lendemain où le vote du Brexit a lieu, tu vas dans ta boîte aux lettres et t’as un petit courrier.
J’ai un petit courrier du ministère de l’Economie et des Finances parisiens de France, de Bercy, qui me dit, vous savez, ça fait bien longtemps que vous avez quitté votre poste en France. Votre période, la période de disponibilité, vient à échéance. Maintenant, vous rentrez ou vous démissionnez de la fonction publique française. Et ben voilà. Le lendemain des Brexit.
Incroyable. Le 1er février 2020, à midi heure anglaise, retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne. On a appelé ça le Brexit. Maintenant, le Brexit, c’est concret, c’est réel, ça existe pour du vrai et c’est pas pratique. Alors, il y a encore des choses qui n’existent pas complètement pour de vrai, et vous verrez la petite pique, c’est que sur le plan financier des services financiers, il y a encore des exemptions pour le Royaume-Uni et pour la Citi, qui un jour se termineront.
Mais pour l’instant, là, ils ont encore bien négocié les exemptions. Mais ce qui est très, très concret, c’est la liberté de mouvement des personnes. C’est qu’aujourd’hui, Un jeune Européen, un jeune Français, moins jeune d’ailleurs, qui souhaite faire comme avant, prendre son sac à dos, aller imprimer une cinquantaine de CV et aller faire le tour des bars de Londres, des magasins en disant est-ce que vous cherchez quelqu’un et le soir même avoir un contrat d’embauche, et bien ça n’existe plus. Aujourd’hui, vous ne pouvez plus venir en Grande-Bretagne travailler. Même un visa étudiant est cher et un visa étudiant que vous devez payer et en payant un tarif extrêmement élevé, un tarif pour l’université, vos frais d’université qui peuvent atteindre 30 000 euros par an.
Ça, il vous faudra un visa. Vous l’aurez, mais c’est quand même très coûteux. Et si vous voulez simplement venir travailler, c’est, je ne dirais pas impossible, parce que bien sûr vous avez des visas de travail qui correspondent à un contrat de travail préalablement signé par votre employeur qui lui-même paye une surcharge, paye une taxe pour faire venir et faire travailler un étranger. Vous, en tant qu’individu, vous devez payer un visa extrêmement élevé plus une charge correspondant à la Sécurité Sociale pour la durée de votre visa, donc un an, deux ans, trois ans, qui va se monter à plusieurs milliers d’euros, et le salaire que votre patron doit vous donner est réglementé, c’est-à-dire que vous ne pouvez pas gagner moins d’une certaine somme. Donc ça c’était déjà très difficile.
Mais le gouvernement anglais a considéré qu’il y avait encore trop d’immigrants, trop de personnes qui venaient au Royaume-Uni s’installer. Et donc il a décidé, c’est une loi qui est en train d’être votée, d’augmenter non seulement le salaire minimal qui vous permettra de venir en Grande-Bretagne, mais en plus, les charges et le coût du visa. Donc ça veut dire que si vous ne gagnez pas plus de 45 000 euros à peu près par an.
Et. N’Acceptez pas de payer des frais qui vont être d’environ 3000 euros par an, vous ne pourrez pas venir travailler au Royaume-Uni. Donc ça devient vraiment très cher. En gros, il y a une vraie volonté de dire stop à l’immigration, de dire on ne garde peut-être que les plus importants, les meilleurs salaires, mais les meilleurs postes, les plus hauts et tout le reste, on va le rendre quasiment impossible. Oui, tout à fait.
Et puis c’est purement politique parce que tous les restaurateurs vous diront qu’il manque de main-d’œuvre. Un certain nombre ont dû fermer quelques midis par semaine ou quelques deux jours par semaine parce qu’ils n’avaient pas assez d’emplois. Vous avez eu des récoltes qui ont pourri parce qu’il n’y avait pas assez de main-d’œuvre. Mais ce qui importe au gouvernement, c’est le chiffre de l’immigration. Alors, il reste des secteurs un peu privilégiés comme la santé ou le numérique.
Là, ils ont eu aussi une idée pour que ça ne fonctionne pas si bien que ça. Oui, vous pouvez venir, mais sans votre famille. C’est quand même un peu avec dissuasif. C’est-à-dire que ces visas-là ne vous donneront plus automatiquement le droit de faire venir vos dépendants, c’est-à-dire enfants, conjoints. Vous ne pourrez plus les faire venir.
Et puis, on va parler aussi de ceux qui décident de vivre cette aventure en oubliant que la Grande-Bretagne n’est plus en Europe et qu’ils continuent de prendre leur sac à dos et de vivre cette aventure sans visa. Un petit warning parce que être en situation irrégulière aujourd’hui, c’est être exposé à des arnaques. Il faut en parler quand même pour les plus jeunes qui voudraient dire bon, allez, c’est pas grave. Bien sûr. Et sur les réseaux sociaux, on voit On voit des jeunes qui ont tenté l’aventure quand même.
Alors on leur a dit visa et tout, ouais mais bon d’accord, il y a du travail à Londres, c’est sympa, on va bien. Ils sont venus. Qu’est-ce qui s’est passé ? Ils ont commencé à travailler et on leur a dit, à la fin du mois on ne paiera. Et puis à la fin du mois, soit on ne les a pas payés du tout, soit on ne leur a pas payé les heures supplémentaires.
Ils peuvent aller porter plainte, certes, mais ils sont illégaux, ils vont se faire expulser et interdisent le séjour de territoire. Certains ont essayé de louer un appartement ou une chambre, une agence ou un propriétaire officiel ne leur donnera pas. Il n’a pas le droit d’héberger quelqu’un qui n’a pas son visa. Donc, il se retrouve dans des arnaques et énormément de gens s’aperçoivent qu’ils ont donné de l’argent, mais qu’ils n’ont pas de logement, que le propriétaire prend leur logement et ensuite lui dit à ton visa. Oh, tu n’as pas de visa.
Je t’expulse, mais je garde la question. Et on a beaucoup de gens comme ça dans une situation difficile. Alors aujourd’hui, concrètement, vivre à Londres ou vivre au Royaume-Uni, pour toi, c’est plus difficile pour les gens qui étaient là depuis peu de temps ou les nouveaux arrivants. Pour les gens qui y sont depuis, comme toi, 20 ans, est-ce qu’il y a des changements ? Dire vrai, non, il n’y a pas de changement.
Le seul changement, c’est que beaucoup d’entre nous se disent qu’on ne sait pas, regardez ce qu’ils font, ils changent les règles, il faut peut-être prendre la nationalité britannique. Or, prendre une nationalité, c’est un acte grave, c’est un acte qui touche à votre identité. Certains le font, d’autres hésitent à le faire.
il n’y a pas vraiment de changement, il y a peut-être quand même, en tout cas moi qui vis sur Londres, peut-être un moins grand cosmopolite, un sentiment que la ville est moins cosmopolite qu’avant. Peut-être que ça bouge un petit peu moins qu’avant. Est-ce que toutes ces décisions, elles visent spécifiquement les Français ? On sait que la relation entre nos deux pays, c’est un petit peu qu’un 1K1, même lorsque Renaud fait une chanson sur Margaret Thatcher, ça fait une crispation de nos relations. Est-ce que ces nouvelles règles anti-immigration sont ciblées contre les mangeurs de grenouilles ?
Non, pas du tout, pas du tout. Je dirais d’autant moins que les Anglais sont obligés de faire les… Le gouvernement britannique est obligé de faire attention parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de Britanniques en France et qu’on sait bien qu’un certain nombre de relations bilatérales sont toujours c’est-à-dire que si vous faites quelque chose contre les ressortissants d’un pays ou pour les ressortissants d’un pays, vos ressortissants dans ce pays-là auront les mêmes avantages ou les mêmes inconvénients. Donc non, je ne pense pas qu’il y ait un sentiment de « je t’aime, moi non plus » entre la France et la Grande-Bretagne. Oui, bien sûr, ça ne va pas changer, mais ça touche tous les Européens.
Sauf que les jeunes français et les moins jeunes étaient très nombreux à venir en Grande-Bretagne et vice versa. Et donc ça, c’est terrible. Je pense que le fait, notamment pour les jeunes des deux pays, de ne plus pouvoir aller facilement faire des études ou prendre un stage ou un petit job, c’est quand même extrêmement triste pour la jeunesse de nos deux pays. On va parler, pour terminer cette interview, de ton rôle au sein de Français du Monde ADFE, une association depuis les années 80 qui réunit, qui rassemble et qui aide les Français à installer à travers le monde avec différentes sections. C’est le plaisir depuis deux ans maintenant de faire le tour des sections et d’aller interviewer des personnes qui sont au sein de votre association.
C’est une association importante pour toi. Mais c’est très important parce que je trouve que ce qui est merveilleux, c’est d’abord le sentiment d’appartenir à un réseau de gens qui, de par le monde, qu’ils soient purement français, qu’ils soient binationaux, trinationaux, partagent les mêmes valeurs, les mêmes valeurs de solidarité, les mêmes valeurs universelles, le sentiment de vouloir faire quelque chose de manière très concrète. C’est-à-dire que quand on fait de la politique, on a des grandes idées, on essaie de mettre en application les choses. Aux fonctionnaires, on travaille sur les politiques publiques. Dans une association comme Français du Monde, on essaie de mettre ça en pratique au quotidien pour aider Madame X, qui a un gros problème avec son dossier de retraite, Meuchin, qui se retrouve dans une situation pas possible, emprisonnée, etc.
Ou Taljon, qui tout simplement est perdu dans tous les papiers qu’il faut faire pour aller faire ses études à l’étranger. Et je trouve que Faire participer à cette association, c’est absolument pouvoir rencontrer des gens très divers, on le fait toujours aussi parce que ça nous apporte quelque chose de militer dans une association, et c’est cette grande richesse de voir que derrière la diversité des expériences, des profils, des cultures, on a tous le même humanisme et la même volonté de faire ce qu’on peut dans ce monde qui est très noir. Mais si les individus se mettent pas à s’entraider… À s’entraider, on est foutus, c’est clair. Et ma dernière question, justement, on le disait, c’est une association née dans les années 80, dans un monde politique qui a beaucoup changé.
La couleur était plutôt à gauche. Aujourd’hui, il y a eu une petite révolution au sein de Français du Monde ADFE, quelques changements d’axe. Est-ce que, justement, cette Impression PS, c’est toujours dans l’air du temps, parce que le PS en France, on peut dire quand même qu’il sort ses rames depuis quelques années. Ou est-ce que c’est plus la philosophie qui est présente ? Je pense que ce qu’on a essayé de faire maintenant à Français du Monde, et on y arrive, c’est de rassembler toutes les composantes de la gauche et de se dire, en fait, justement, On a les partis politiques qui sont là pour réfléchir sur le fond, pour proposer des réformes globales au niveau macro.
Puis nous, au niveau micro, finalement, on veut tous la même chose. On veut tous aider Monsieur Machin ou Madame Truc. On veut tous faire en sorte qu’il y ait des bourses suffisante pour les familles qui veulent que leurs enfants suivent un enseignement français, qu’il y ait des aides sociales suffisantes pour que les Français qui se retrouvent dans des situations pas possibles au Venezuela, au Thaïlande ou en Grande-Bretagne puissent bénéficier d’une aide qu’on ne les laisse pas dans la misère la plus noire. Tout ça, finalement, quel que soit votre Si vous êtes de gauche, quel que soit le parti politique pour lequel vous militez ou si vous militez pour aucun parti, ce que vous voulez, c’est régler ces problèmes concrets et les régler en proposant des solutions, en travaillant avec les consulats, en travaillant avec le ministère des Affaires étrangères. Et c’est ça qu’on fait.
Je pense qu’on n’a aucune opposition là-dessus. Sur les bourses, on est tous d’accord. Sur les aides sociales, on est tous d’accord, quel que soit notre… petite partie de la gauche dans laquelle on se trouve. Ma dernière question Catherine, Saint-Quentin, l’ENA, le ministère de la culture en France, le ministère britannique de la culture ensuite et la BBC, ce sera quoi pour toi la suite ?
Ce sera Saint-Quentin ou ce sera toujours Londres ? Non, alors la suite c’est la vie à Londres et pour l’instant un travail en Martinique. Un travail en Martinique, c’est pas mal, ça met un petit peu de soleil dans tout ça parce que Saint-Quentin et Londres n’est pas réputé pour son soleil. Non. Et là, je suis très contente d’aller prendre le soleil une semaine par mois en Martinique, où je rencontre des gens fabuleux.
Merci beaucoup pour cette interview à retrouver, évidemment, sur le site françaisdanslemonde.fr. Au plaisir de te retrouver sur cette antenne, Catherine. Merci, Cotier. Merci pour ta radio. Au revoir.
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