Entre ici et ailleurs : le défi des expatriés

S’expatrier, ce n’est pas seulement monter dans un avion et changer de décor. C’est entrer dans une zone de turbulences intérieures, où tout—ou presque—se déplace en soi. Dans The Conversation, la chercheuse nigériane Abisola Olawale, doctorante en Écosse, analyse ces bouleversements silencieux qui traversent les jeunes adultes lorsqu’ils quittent leur pays.

Elle résume cette expérience d’une phrase forte : « la migration n’est pas une affaire de mouvement, mais une façon de vivre deux vies. » Une moitié demeure ancrée là-bas, auprès des siens, tandis que l’autre tente de s’inventer une place dans un nouveau paysage social.

Cette transformation intime commence souvent par des décalages minuscules : prononcer son prénom autrement pour éviter qu’on le malmène ; rire poliment à une blague dont on ne maîtrise plus toutes les nuances ; hésiter entre les réflexes hérités d’hier et les normes d’aujourd’hui. Peu à peu, ces détails s’additionnent et tissent ce qu’Olawale appelle une “identité migrante”, un état en mouvement constant, fait d’ajustements, de flottements, de petites conquêtes et d’inévitables renoncements.

Certains adoptent cette identité avec une aisance surprenante : ils apprennent à changer de langue, de rythme, de posture, comme on change de veste. D’autres, au contraire, avancent avec effort, portant en eux une forme de déséquilibre permanent. Car malgré le temps, persiste souvent ce sentiment d’être dans une position inconfortable, comme un léger pas de travers que l’on finit pourtant par intégrer à sa propre manière d’avancer.

Autour d’eux, les jugements s’entrecroisent. Pour les uns, ils ont “trop changé”, s’éloignant de ce qu’ils étaient. Pour d’autres, ils n’ont “pas assez fait d’efforts” pour vraiment s’intégrer. Entre ces deux attentes contradictoires, les expatriés apprennent à naviguer, à composer avec une identité qui se déploie à la frontière de plusieurs mondes.

Mais Olawale refuse d’y voir une fracture. Elle y lit au contraire une richesse : celle de pouvoir habiter plusieurs appartenances, plusieurs horizons, sans devoir en sacrifier une seule. Le sentiment d’être “chez soi” ne se résume plus à un drapeau, à une langue ou à une culture. Il devient une construction mouvante, faite de circulations, d’adaptations, de liens qui se tendent d’un continent à l’autre.

S’expatrier, finalement, ce n’est pas s’arracher à un lieu. C’est apprendre à élargir son territoire intérieur, à faire coexister des vies qui se répondent, même à des milliers de kilomètres de distance.

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