Cet épisode se concentre sur le parcours de Sullivan et son amour pour l’Espagne, où il vit actuellement avec sa famille. Il partage son expérience de directeur de l’Alliance Française de Malaga et son implication dans le Festival du Film Francophone. Sullivan évoque également les relations complexes entre la France et l’Espagne, mêlant histoire, culture et clichés. À travers son récit, il nous invite à réfléchir sur l’importance du dialogue interculturel et sur ce que signifie vraiment être citoyen du monde. Pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le festival, un lien est disponible dans la description du podcast.
Et si ce podcast était le début de votre nouvelle vie ? Bienvenue sur Français dans le Monde, le média de la mobilité internationale. Je suis Gauthier Saïs et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Sullivan Benetier. On part en Andalousie. 10 minutes.
Alors on part en Andalousie, mais pas seulement, dans le reste du monde aussi, parce que mon invité a eu pas mal la bougeotte. Il a vraiment eu envie de découvrir le monde et son parcours va nous le prouver. Bonjour, bienvenue Sullivan. Bonjour Gauthier, merci beaucoup pour cette interview et ce temps. Merci de m’avoir énervé en rappelant qu’il y a quelques jours encore, tu te baignais parce qu’il fait très beau dans le sud de l’Espagne et que c’est un endroit très agréable à vivre.
On peut le rappeler à chaque fois. Oui, le Malaga, c’est 300 jours de soleil par an, mais même ce que je te disais justement avant, c’est que je suis tombé amoureux de cette terre, de l’Espagne, je suis tombé amoureux de ma compagne avant tout, d’où l’Angalosie justement, d’où l’Espagne. Mais il y a beaucoup de gens qui viennent ici pour le soleil, la mer, la gastronomie, etc. Mais moi, c’est avant tout pour les gens. Très sincèrement, je suis tombé amoureux de ce peuple finalement.
de sa culture, de ses artistes, de sa langue, sa langue que je ne parlais absolument pas lorsque je suis arrivé à Grenade. Grenade, c’est un mot un peu, on le disait avant, un mot un peu enchanté. Il y a des pays ou des villes comme ça dans le monde qui ont des noms enchantés. J’ai pu aller par exemple en Argentine, en Birmanie, à Madagascar, on en reparlera. simplement par cet enchantement du nom sans savoir vraiment ce qu’il y avait derrière et Grenade ça a été un petit peu la même chose.
Je suis arrivé là il y a quelques années, il y a six ans exactement et l’enchantement a eu lieu puisque je suis vraiment tombé amoureux de cette terre là. Mais de base, l’Espagne, c’était trop près. Tu voulais aller un peu plus loin, découvrir le monde. Tu quittes ta région natale. Tu es originaire de Rouen, que l’on connaît pour son restaurant étoilé Trois Gros.
T’es pas très loin de Saint-Etienne. Assez vite, tu prends tes études et l’occasion de faire un Erasmus, comme souvent sur la radio des Français dans le Monde. L’Erasmus, c’est le déclic pour découvrir l’international, apprendre l’anglais, s’ouvrir sur le monde. Tu m’as dit c’était le début de tout, cet Erasmus. Absolument.
Comme tu l’as dit, j’ai souvent eu la bougeotte et j’ai voulu très rapidement faire prendre l’air à mon ennui. C’est pour ça que j’ai décidé d’aller voir ce qui se passait ailleurs. pour découvrir aussi qui j’étais, qu’est-ce que c’était d’être français aussi, comment les gens vivaient, comment les gens respiraient, pensaient, loin de chez nous. Alors je ne suis pas parti très loin dans un premier temps, je suis parti en Angleterre, je me suis retrouvé à Huddersfield, dans le Yorkshire, l’Angleterre profonde, où j’ai là aussi appris l’anglais sur place, parce que comme tout bon français qui se respecte, j’avais un niveau de langue particulièrement médiocre lorsque j’avais 20 ans. Et ça a été le déclic, effectivement.
Il y a quelque chose qui est né en moi, une volonté de vivre autrement, en fait. Et comme tu l’as dit, Erasmus, c’est certainement la plus belle chose qu’ait fait le rock, en tout cas. Il y a d’ailleurs eu énormément de bébés Erasmus qui sont nés dans la foulée. Et je me suis aussi incaprécié. Et voilà, je suis revenu après cette année passée en Angleterre avec l’envie d’aller encore beaucoup plus loin.
Alors tu vas imaginer un concept, un projet culturel, éducatif, solidaire. Tu vas prendre ton sac à dos et le 7 mars 2006, tu vas prendre la route du monde. Afrique, Amérique du Sud, Océanie, Asie, Europe de l’Est. On est dans une période où on n’a pas vraiment de téléphone portable. Ton meilleur ami, c’est une carte du monde.
Et là, là, tu voulais voir du pays. Tu vas en voir. Tu vas te promener. Oui parce que je suis rentré finalement cette année d’Angleterre, j’ai terminé mes études dans la douleur, des études de gestion d’économie. qui finalement m’auront servi plus tard pour gérer une alliance française.
Mais c’est vrai que je ne me reconnais plus dans ces études à la fin et je décide de créer un projet moi-même, projet éducatif et solidaire. J’ai commencé à lever des fonds et créer une association, travailler dans des écoles de manière bénévole dans la Loire et la Saône-et-Loire et j’ai décidé d’aller dispenser ces ateliers-là dans le monde entier, dans une quinzaine de pays. pendant un an, 7 mars 2006, 7 mars 2007, et j’ai démarré cette aventure au Mali. Au Mali, j’ai remonté tout le Mali, redescendu le Burkina Faso, des zones malheureusement où il est très compliqué maintenant d’aller, et ensuite je suis parti en Amérique du Sud, on a mentionné l’Argentine, mais aussi le Chili, la Bolivie, l’Océanie, l’Asie du Sud-Est, et je termine par l’Europe de l’Est qui est souvent oubliée des tours du mondiste, Et donc j’ai terminé en Roumanie jusqu’en Pologne pour rentrer à Lyon en mars 2007. Et comme tu l’as dit, je suis parti avec aucun moyen de communication.
J’allais appeler, je me souviens, ma grand-mère dans les locutorios avec des pièces, etc. Enfin voilà, ça a énormément évolué. Le voyage s’est démocratisé. Mais à l’époque, il y avait assez peu de gens, finalement, qui partaient comme ça, sac à dos, avec franchement deux pantalons, trois slips. Très régulièrement, j’ai dormi chez les gens, principalement, c’était ça ma volonté.
Mais j’ai aussi dormi dans des gares, notamment en Roumanie, dormi dans la rue aussi parfois. Je suis vraiment parti avec très, très peu de moyens. On a fait un dossier sur c’était comment l’expatriation avant Internet. Je t’invite à écouter ces podcasts. C’est vrai qu’on a du mal à imaginer aujourd’hui.
Tout ça, c’est quand même pas mal simplifié. Tu rentres de ce périple en sac à deux. Tu écris un livre qui va être publié. C’est pas mal. Tu te promènes pour faire la promotion et ça prolonge un peu l’expérience.
Mais la France, ça va être trop étroit pour toi. Une envie de repartir. Tu réponds à une offre pour un volontariat international direction Madagascar. Ça se passe bien, t’arrives là-bas en plein coup d’État. Cool, hein ?
Oui, absolument. Et pourquoi je pars à Madagascar ? À Madagascar, parce que pour revenir à la Bolivie, c’est que pendant mon périple, justement, j’arrive dans la ville de Sucre en Bolivie et je rencontre justement des Français dans la rue qui me disent, qu’est-ce que tu fais ce soir ? Il y a un concert à l’Alliance française et je ne connaissais absolument pas le réseau des Alliances françaises, comme beaucoup de Français d’ailleurs. Et j’arrive dans ce petit bout de France, justement très loin de notre pays, et là, il y a eu un déclic, un autre déclic, c’est-à-dire qu’il y avait aussi des Français, des francophiles, des francophones, et surtout des locaux, en fait.
Et il y a eu une espèce de fusion, il y a eu une espèce d’énergie, en fait, dans cette soirée-là, qui m’a frappé. Je suis passé à autre chose, et quand je suis rentré en France suite à la publication du livre, c’est revenu, en fait, finalement, parce qu’il fallait manger, il fallait que je trouve un emploi. Et donc j’ai mis un peu tout dans une boîte, c’est-à-dire que mon appétence pour l’étranger, la découverte de l’ailleurs, la diversité, l’éducation, la culture en général, j’ai mis ça dans une boîte, j’ai secoué et ça a donné l’Alliance Française en fait. Et j’ai postulé, j’ai été pris très rapidement et j’ai été, comme tu l’as dit, catapulté à Madagascar, je suis arrivé en plein coup d’état. Et donc, ma première semaine a été particulière puisque je suis arrivé à Antananarivo, la capitale.
Et donc, la première semaine, j’ai passé une semaine de formation volé fermé, ça tirait dans la rue de l’Alliance française. Et au bout d’une semaine, j’ai pu rejoindre la ville d’Ansiravé où j’ai dirigé la très, très belle Alliance française qui faisait partie des belles Alliances françaises de ce pays puisqu’il en existe beaucoup, une trentaine au total. Et littéralement, j’ai appris le métier sur place. Ensuite, tu vas vivre quatre ans assez challenge dans une alliance française en Tanzanie. Puis, tu vas ensuite te rendre quelques temps à New York.
Tu rentres en France le jour des attentats du Bataclan, soit le bienvenu dans ton pays natal. Tu vis quelques temps à Rouen. Alors, entre deux, l’histoire, c’est l’amour, comme souvent. Tu auras rencontré au cours de ton périple une belle Espagnole qui a envie de revenir s’établir en Espagne. Tu vas dire chiche, pourquoi pas ?
Et tu t’installes donc à Grenade en famille. Là, ce sera un coup de cœur pour l’Espagne. Tu n’y étais pas tellement intéressé finalement. Tu constates que l’histoire commune entre nos deux pays sont une histoire de haine et d’amour. Tu aimes toute cette découverte finalement.
Je ne connaissais rien de l’Espagne avant la rencontre avec Mafalda, ma compagne. parce que j’ai toujours été attiré par les ailleurs lointains. Et l’Espagne, voilà, nous sommes voisins. C’était trop proche. J’ai jamais allé en Allemagne, par exemple, et je ne connaissais rien de l’Espagne, voilà, mis à part les quelques clichés.
Et on en reparlera, d’ailleurs, des clichés parce qu’on est loin, justement, de cette Espagne-là. Moi, la Paella, la corrida, etc. Moi, je ne la vis pas au quotidien. Et c’est intéressant ce que tu dis, justement, ce rapport que j’ai découvert avec ma compagne et en vivant sur place, ce rapport, cette histoire d’amour et de haine entre nos deux pays. parce que depuis l’Espagne, la France a toujours été vue comme le grand frère, le pays des droits de l’homme, le pays riche culturellement.
Ça a toujours été un modèle, même si les Espagnols sont bien conscients de la situation de crise que nous vivons aujourd’hui. Il y a toujours des étoiles dans les yeux quand on parle de la France avec les Espagnols. Étoiles dans les yeux, mais aussi, alors le terme haine est très fort, trop fort d’ailleurs, mais on ne sait pas toujours bien comporter la France avec l’Espagne, à commencer par la France napoléonienne qui a envahi l’Espagne, déclenchant ainsi, comme vous le savez, la guerre d’indépendance. Pendant la guerre civile, ce mouvement qu’on appelle le mouvement de la retirada, c’est tout simplement un demi-million d’Espagnols qui fuient la dictature franco et qui traversent les Pyrénées les pieds dans la neige et qui sont finalement très mal accueillis. et qui sont parqués sur des plages d’Argelès en plein hiver.
Des milliers de personnes vont mourir. Ces personnes-là sont parfois enrôlées dans la résistance française. Il y a des histoires comme ça méconnues. Le premier bataillon qui honte sur les Champs-Elysées à la libération, c’est un bataillon espagnol qui a été mis en avant justement par Anne Hidalgo, qui en a créé justement un square à Paris. Il y a eu aussi des tensions entre les agriculteurs français et espagnols pour des raisons de coûts de production et des tensions sportives.
Moi, j’ai appris sur place que Raphaël Naval par exemple, avait été huée sur ses premières années à Roland-Garros. Nous, toi et moi, Gauthier, on en a parlé un petit peu avant, vous ne connaissez pas cette histoire, mais je peux vous assurer que les Espagnols, tous les Espagnols, même quand j’ai des interviews à la radio, à la télévision, on me ressort… Ils s’en souviennent encore ! Donc on nous en veut un peu, mais c’est aussi à nous, l’Alliance Française, de parler de ces thématiques-là. Et d’ailleurs, l’Alliance Française en a présenté il y a très peu de temps une exposition sur ce mouvement de la retirada de ce 2 000 millions d’Espagnols qui a été malheureusement assez mal accueilli en France il y a de nombreuses années.
Alors justement, dans le cadre du partenariat avec la Fondation des Alliances Françaises, on m’a dit, il faut absolument que tu échanges avec Sullivan. Tu es donc aujourd’hui le directeur de l’Alliance de Malaga, après avoir travaillé sur Grenade. T’es notamment arrivé à Malaga parce qu’il y a un rendez-vous important une fois par an. C’est un grand festival, l’édition du film francophone de Malaga. Tu peux peut-être me le dire en espagnol, ce sera plus joli.
Le Festival de Ciné Française de Malaga, c’est une marque finalement parce qu’on pourrait le traduire en festival du film français de Malaga mais en fait c’est bien un festival du film francophone qui a pour but de promouvoir la qualité de la production cinématographique francophone, promouvoir aussi le dialogue culturel entre la France et l’Espagne, ce que font toutes les alliances françaises d’Espagne d’ailleurs. Aujourd’hui, ce festival est considéré comme le plus bel événement culturel francophone organisé ici sur le territoire espagnol. On vient de terminer la 31e édition et elle a accueilli plus de 16 000 personnes cette année. Sullivan, pour terminer, aujourd’hui, tu es basé en Espagne, en famille. Cette bougeotte que tu as eue depuis le début de ton parcours, ça s’est un peu calmé ou tu glisses de temps en temps à l’apéro avec madame ?
Est-ce qu’on irait pas quelque part ? C’est une très bonne question. La vie fait que, l’âge fait que, ces envies-là peut-être s’atténuent un petit peu. Encore que, non, je pense que c’est plus la vie et le fait d’avoir des enfants. En fait, quand on a des enfants, vous le savez, beaucoup d’auditeurs le savent, il faut faire un pas de côté, voire deux, voire trois.
C’est-à-dire que nous ne sommes plus la priorité. C’est-à-dire que j’ai vécu 15 ans d’extrême à partir, à sauter dans les avions en fonction de mon envie, etc. Et aujourd’hui, la priorité, ce sont nos enfants qui sont franco-espagnols. Et c’est vrai que leur stabilité est essentielle pour moi. Ma compagne, la plupart des projets de ma compagne sont ici en Espagne aussi.
Donc là aussi, c’est difficile de repartir, même s’il y a des opportunités, etc. Mais non, l’idée, c’est vraiment, on est bien ici. Je n’ai rien à rapprocher à cette terre, à ces gens que j’aime profondément. Et c’est avant tout un projet familial qui fait qu’on reste aujourd’hui ici. Donc on voyage énormément, bien évidemment, mais avec les enfants.
Mais l’envie est là. Il y a une source de frustration énorme, je ne vous le cache pas, des fois, quand on repense au passé et tout. Mais encore une fois, il y a un projet de famille qui est beaucoup plus fort que tout le reste. Eh bien, Marcel-Yvan, merci beaucoup d’avoir répondu à mes questions. Si vous voulez en savoir plus, notamment sur le festival du film, je vous mets le lien en descriptif du podcast.
Au plaisir de te retrouver. Tu parles avec passion et de ton métier et du monde. Ça fait plaisir. À très vite. Merci, Gauthier.