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Comment la vie en Belgique peut-elle transformer votre perspective sur la culture et la vie quotidienne ?
Dans cet épisode de « 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde », Gauthier Seys s’entretient avec Cécilia Gondard, une expatriée française vivant à Bruxelles depuis 18 ans. Ensemble, ils explorent la question de savoir comment la vie en Belgique, avec sa joie de vivre et son sens de l’humour décalé, peut offrir une perspective rafraîchissante par rapport à la France. Cécilia partage ses expériences personnelles, soulignant comment la culture belge, bien que similaire à celle de la France, offre une ambiance plus légère et festive, même face aux défis quotidiens.
Cécilia Gondard n’est pas seulement une expatriée ; elle est également membre du conseil d’administration de Français du Monde ADFE et travaille comme attachée parlementaire au Parlement européen. Originaire du Val d’Oise, elle a étudié dans plusieurs villes européennes avant de s’établir à Bruxelles. Passionnée par la politique européenne, elle a choisi de s’installer en Belgique principalement pour travailler au Parlement européen. Son parcours est marqué par un engagement associatif fort, qu’elle a développé dès son jeune âge, et qu’elle continue de cultiver à travers son implication dans des associations locales.
L’épisode aborde également des sujets plus larges tels que la complexité de l’Union européenne et les défis politiques actuels auxquels elle est confrontée. Cécilia discute de l’importance de l’engagement associatif pour les expatriés, en particulier en période de crise comme la pandémie. Elle évoque aussi les clichés sur l’expatriation fiscale, soulignant que la majorité des expatriés, comme elle, partent avant tout pour des opportunités professionnelles. Enfin, elle partage son attachement à la Belgique, où ses enfants sont nés et s’épanouissent, et où elle a trouvé un équilibre entre vie personnelle et professionnelle.
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Chapitrage de l’épisode :
Vous allez plonger au cœur d’une nouvelle histoire inspirante. Bienvenue dans 10 minutes, le podcast des Français dans le Monde. Je suis Gautier Seyss et j’ai le plaisir de passer 10 minutes avec Cécilia Condard. Je vous emmène à Bruxelles.
J’adore cette capitale et sa joie de vivre, le petit côté un peu décalé qu’a le Belge par rapport aux Français. On en parlait hors antenne avec Cécilia il y a quelques instants. Bonjour et bienvenue sur la radio des Français dans le Monde. Bonjour et merci de m’accueillir. C’est vrai que cette joie belge, ce petit ton un peu parfois décalé dans leur humour, dans leur quotidien.
Tu disais, on peut blaguer avec un policier parce qu’on a fait une bêtise et il va, voilà, il va comprendre. Il y a un peu de, je sais pas, de… On est un peu décalé, quoi, quand on vit en Belgique. Oui, moi, j’aime bien la culture belge. On dit que c’est un peu comme la France, mais c’est très différent de la France.
On trouve ça un peu morose, la France, en termes d’ambiance, quand on y retourne. Mais ici, en Belgique, même si la vie n’est pas forcément plus facile qu’en France, même parfois plus difficile, tout le monde regarde le sourire et s’est rigolé de tout. Et c’est un peu la capitale du second degré aussi. Et de la fête aussi. Et de la fête, oui, c’est vrai que les Belges savent faire la fête et ils le font à toute occasion.
Alors on va se retrouver dans cette interview dans les cadres du partenariat avec Français du Monde ADFE. Depuis 4 ans, je fais le tour des différentes sections et j’interview des membres de l’association. Toi, tu es plus que membre de l’association, tu es aussi membre du conseil d’administration spécialiste des questions fiscales. J’aurai 2-3 questions à ce sujet. Et tu travailles aujourd’hui dans le Parlement européen en tant qu’attaché parlementaire.
Tu es installé dans la capitale belge depuis 18 ans. Avant d’y aller, puisqu’on va revenir sur ton parcours, ça faisait partie des villes qui te plaisaient, Bruxelles, ou c’est vraiment parce qu’il y a le Parlement ? Alors, moi, j’ai étudié à Londres, à Berlin, aux Pays-Bas, donc j’étais prête à partir à l’étranger. Je suis retournée un tout petit peu en France, mais pour préparer mes plans pour repartir. Et puis, on a failli s’installer aux Pays-Bas.
Et puis, finalement, j’ai toujours été passionnée aussi de politique européenne et c’est plus pour le Parlement que je suis venue. Et je ne pensais pas rester 18 ans ici, mais je suis restée et je ne compte pas partir. Tu es originaire du Val d’Oise, tu fais tes études sur Paris, puis grâce à tes études, tu vas pas mal voyager. D’ailleurs, t’es la première dans la famille à avoir cette bougeotte internationale. Tu sais d’où ça vient ?
Je ne sais pas trop. Mes parents ont quand même grandi dans les colonies, donc mes grands-parents ont eu la bougeotte à un moment donné, mais mes parents pas du tout. Finalement, ma sœur est partie là à Singapour, donc tout le monde commence à partir. J’avais envie de bouger, j’avais même envisagé de partir plus loin en Afrique, mais finalement on est resté dans la capitale européenne. Alors tu dis « on » parce que tu vas rencontrer ton conjoint qui est lui ingénieur.
Vous avez failli vous installer à Berlin. Pourquoi ça ne s’est pas fait ? Ça ne s’est pas fait parce qu’à l’époque à Berlin, il y a 20 ans, il n’y avait pas encore eu de boom économique et toute l’industrie qui était en fait une industrie qui tombait en désuétude après la chute du mur et qui était une industrie de l’ancienne RDA était en difficulté. Donc il n’y avait pas de poste pour les ingénieurs français ou allemands. Ce n’était pas forcément juste pour nous, mais il ne se passait pas grand chose.
C’est ce qui était génial à Berlin. Ce n’était pas cher, c’était alternatif. On faisait la fête, mais il n’y avait pas trop d’emplois. Résultat, il va trouver rapidement un boulot d’ingénieur dans la capitale et toi, tu vas donc travailler dans ce Parlement. Petite question, vous avez des enfants aujourd’hui qui vont à l’école belge.
Pourquoi tu n’as pas fait le choix de l’école française ? J’ai fait le choix de l’école belge parce qu’elle est de bon niveau, comme en France, donc on n’a pas de différence de niveau avec le système français. Du coup, je n’avais aucune raison d’aller les mettre au lycée français, qui est par ailleurs assez loin, tout au sud de Bruxelles. Évidemment, en tant qu’élue, je m’occupe de ce qui s’y passe et je suis ce qu’il s’y passe. Mais pour moi, c’est vrai que j’avais envie aussi, j’ai mon idéal d’intégration comme bonne française.
Et donc, j’avais envie que les enfants soient intégrés aussi. Et ils se plaisent très bien dans le système belge. Cécilia, est-ce que tu parles un peu le flamand ? J’ai fait mon Erasmus aux Pays-Bas, donc je baragouine quand même du néerlandais. Je comprends mieux d’ailleurs le néerlandais des Pays-Bas que le néerlandais flamand.
Mes enfants me disent que j’ai un accent terrible, mais malgré tout, comme je suis germanophone au départ, j’arrive très bien à le comprendre à l’écrit et j’arrive à leur faire travailler leurs cours de néerlandais, en tout cas au niveau du primaire. Très bien. Alors maintenant, on revient sur Français du Monde à DFE. Lorsque tu t’installes à Bruxelles, tu vas rentrer chez eux, puis tu vas occuper quelques postes, Trésorière notamment, organiser des événements. Pourquoi rejoindre l’association pour garder un petit bout de France dans ton quotidien ?
Alors oui déjà moi je suis engagée en politique mais mon engagement il a commencé par l’associatif donc quand j’avais 18 ans j’étais pas chez les jeunes socialistes ou dans l’UNEF et les syndicats étudiants, j’étais dans des associations pour promouvoir l’Europe ou pour faire de l’aide aux devoirs bénévoles. Donc j’ai aussi cet ADN associatif depuis toujours et puis du coup j’ai eu envie aussi d’avoir ces activités associatives ici à Français du Monde à Bruxelles. Français du Monde ici existe depuis 81 donc c’est une des anciennes sections, des vieilles sections de FDM. Et faire vivre l’Europe aujourd’hui. Ce n’est pas une chose simple.
L’Europe est souvent au cœur des discussions mondiales. On a un nouveau président américain qui a son point de vue. Est-ce que tu trouves que l’Europe s’en sort bien ? C’est difficile à dire. C’est sûr qu’on est dans une situation de plus en plus complexe.
On a quand même la guerre en Ukraine d’un côté, on a les États-Unis de l’autre. On a aussi une relation à redéfinir avec l’Afrique, par exemple. Donc l’Union européenne est une force et une chance pour tous les Européens. Mais c’est vrai qu’elle doit maintenant se mettre un peu en mode résistant, en résistance face aux forces extérieures et puis face à des forces intérieures aussi, parce qu’on a aussi une extrême droite pro-russe, pro-Trump qui monte en Europe et que c’est aussi un danger pour nous, pour nos valeurs européennes et puis pour l’Union européenne dans son ensemble. Et est-ce qu’on l’a bien construite cette Union ?
Est-ce qu’on la comprend bien dans son fonctionnement ? Est-ce qu’elle n’est pas au final un peu trop compliquée, notamment pour pouvoir bouger face à des décisions internationales ? Bon, s’il y a une volonté politique, ça se fait. En fait, elle n’est pas plus complexe. D’une certaine manière, la politique française est plus complexe aujourd’hui que la politique européenne à l’heure actuelle.
C’est difficile de faire plus compliqué que la politique française en ce moment. C’est-à-dire que dans pas mal de pays du monde, les situations sont un peu tordues en ce moment. Oui, enfin, quand certaines forces politiques gagnent les élections, en général, on a un gouvernement de cette couleur politique. Donc, c’est quand même baroque de refuser de le faire en France. Du coup, on a un peu de mal à donner des leçons de démocratie aux autres maintenant.
Mais en tout cas, au niveau européen, d’une certaine manière, c’est un peu plus simple, puisqu’on a une commission européenne qui propose les lois comme un gouvernement en France. Il n’y a pas de 49.3, donc elle ne peut pas passer outre. Et on a un Parlement européen qui les vote, et la plupart des votes sont d’ailleurs visibles, on peut les trouver sur Internet, donc il y a une très grande transparence. Et puis on voit évidemment l’alliance des droites et de l’extrême droite au Parlement européen sur des dossiers très importants qui sont liés à la lutte contre le changement climatique et au pacte vert. Et ça, c’est vraiment très, très inquiétant.
Donc, ce qu’on voit sur des dossiers politiques en France, on le voit au niveau européen aussi, on le voit au niveau national dans d’autres pays européens aussi, où on a des coalitions droite-extrême-droite comme aux Pays-Bas. Et donc, on a ces mouvements-là qu’on voit en France qui sont aussi au niveau européen. Ce n’est pas plus compliqué au niveau européen qu’au niveau en France. Quand c’est de ce point de vue-là, on voit un peu les mêmes tendances. Il y a une diaspora de 3 millions, 3 millions et demi de Français à peu près qui vivent hors de leur pays natal et qui sont, j’espère tous, à l’écoute de la radio des Français dans le monde d’ailleurs.
C’est utile quand on vit à l’étranger de rejoindre une association et de garder justement ce lien. On a connu la période de la pandémie pendant laquelle il y a eu ces associations qui ont beaucoup travaillé pour solutionner des gros problèmes qui pouvaient y avoir. C’est important de rejoindre ces structures associatives. Je pense que c’est très important parce qu’en effet, on l’a vu pendant la pandémie, il y a eu quand même des problèmes très spécifiques aux Français de l’étranger. Il y a eu plein de problèmes dans les bassins frontaliers.
On a des centaines de milliers de personnes qui habitent dans les bassins frontaliers des frontières françaises, qui en vivent aussi et qui ne pouvaient plus passer la frontière. Donc oui, on a absolument besoin de ces associations. Après, il y a un tissu associatif qui va au-delà de Français du Monde, c’est-à-dire qu’on a, par exemple, à Bruxelles, on a l’Association des Alsaciens, on a les Bretons, on a les Gascons aussi, qui font des joutes gastronomiques entre eux de temps en temps pour voir qui est le meilleur. Et si tu veux venir de l’île de temps en temps à Bruxelles, c’est une bonne occasion, c’est une bonne raison de venir. les jeunes gastronomiques.
Il y en a toutes ces associations qui sont aussi des associations de convivialité pour briser un peu la solitude qu’on a quand même quand on est à l’étranger, qu’on est loin de ses amis, loin de sa famille et qu’on retrouve là aussi des amitiés sincères. Ma dernière question, tu es spécialiste des questions fiscales. La fiscalité, on est sur la préparation d’un dossier sur les clichés de l’expatriation. On dit, les Français disent, ils partent vivre à l’étranger pour fuir à l’impôt. Ce n’est pas aussi simple comme toujours.
Alors, en plus, quand on dit ça à une Française de Belgique où quand même la fiscalité du travail est beaucoup plus élevée ici qu’en France et où beaucoup de retraités belges partent dans le sud de la France aussi pour le soleil aussi, mais avant tout pour payer moins d’impôts. Donc, on voit que ces clichés-là sont faux. Dans beaucoup de pays du monde, en fait, on paye beaucoup d’impôts. C’est toujours difficile de comparer parce qu’on a des types d’impôts et des assiettes d’impôts qui sont différentes. Donc, toute comparaison est quand même complexe.
Mais c’est sûr que la fiscalité, d’une certaine manière, ça empêche des gens de partir aussi parce que ça complique leur vie. Et puis, on avait fait une étude à un moment donné en Belgique, parce qu’on avait plein de reportages sur les Français de Belgique qui étaient des exilés fiscaux. On s’est aperçu que c’est 2% de la population, parce qu’en fait, c’est les hyper riches qui partent. Et ceux-là, ils ne sont pas nombreux. En fait, il y a une grosse concentration du pouvoir économique et des ressources économiques et des fortunes aux mains d’une petite élite, une petite minorité dans le monde entier, comme en France.
Et donc c’est toujours des personnes minoritaires en fait. Moi je suis partie pour trouver un job, pour trouver un emploi. J’y suis restée parce que j’avais un emploi aussi et la plupart des gens partent trouver un emploi. Tout comme on a beaucoup de personnes qui viennent en France parce qu’ils espèrent trouver un emploi. Et en l’occurrence ces 2% ils sont en Belgique certes, mais à 200 mètres de la frontière française.
Pas très loin des studios de la radio d’ailleurs, ils sont principalement installés à Néchin, qui est belge, clairement. Et on parle là de la famille Mulliez qui a été éclairée il y a peu de temps dans un documentaire assez dingue de Cache Investigation. Cécilia, comment tu vois ton avenir ? 18 ans à Bruxelles, on s’est habitué aux bonnes frites belges, plus question de vivre autre chose ? Oui, c’est vrai que je ne pensais pas rester 18 ans quand je suis partie, mais je me suis habituée.
Et puis mes enfants sont nés ici, donc eux, ils parlent un peu avec l’accent belge. Si on partait en France, ce serait une expatriation pour eux. Ils sont complètement intégrés et c’est surtout eux qui ne veulent surtout pas partir vivre en France. Ils sont bien ici. Et puis, je pense que vu le nombre de Français qui viennent en Belgique pour faire leurs études supérieures parce qu’ils ne trouvent pas de place dans les universités françaises, je pense que l’un dans l’autre, c’est pas mal qu’ils aient la chance de vivre ici et de pouvoir y rester.
Eh bien, que la vie soit la plus agréable possible à Bruxelles. Merci, Cécilia. Et puis, tu salues toute l’équipe historique de Français du Monde à DFE Belge. Je vais le redire. Merci beaucoup.
Vous écoutez la voix des expats.
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